La tragique fin de Aziza bent el Bey, par Farid Ghili


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Ce qui suit est l’histoire déchirante et méconnue de AZIZA BEY, plus connue sous le nom de AZIZA BENT DEY ou encore AZIZA BENT EL BEY.
Beaucoup de choses ont été écrites sur l’origine du Palais de la basse Casbah d’Alger, communément appelé DAR AZIZA *. On a longtemps suivi la seule piste tracée par Henri Klein, inspirant que cette maison avait été construite au XVIe S par un DEY, pour sa fille AZIZA, qui deviendra l’épouse d’un BEY de Constantine. Cette thèse qui n’était appuyée par aucun nom des souverains en question deviendra, néanmoins, une légende algéroise, enjolivée de merveilleux, par l’imagination populaire.


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Mais hélas, cette belle légende masque une tragique réalité historique. C’est grâce à un manuscrit** d’un contemporain de RADJEB, Bey de Constantine, que nous sommes en mesure de livrer un authentique témoignage*** à propos de l’histoire dramatique de AZIZA BEY**** On apprend dans ce document, que AZIZA, femme à la beauté splendide, fille du Caïd Ahmed Ben Ramdane et sœur de Chalebi Ben Ali Bitchine, avait d’abord épousé en premières noces, Mohammed BEN FERHAT, Bey de Constantine. Après le décès de ce dernier, conformément à un usage répandu, son frère RADJEB, qui a succédé en tant que Bey à son défunt frère, l’a pris pour épouse. Très épris d’elle, il l’emmena à Alger où le mariage fut célébré, après la période obligatoire de retraite de continence (’iida), en grandes pompes. Pour elle, il fit construire un palais qui allait, par la suite, devenir la résidence secondaire des beys de Constantine quand ils se rendaient à Alger pour verser le denouche tri annuel.


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RADJEB BEY dut quitter Alger, pour retourner à Constantine, où il amena avec lui l’épouse qui avait captivé son cœur. Pendant des années ils continuèrent ardemment à filer le parfait amour, dans une merveilleuse harmonie. Du moins en apparence.
Car RADJEB BEY, comme c’est souvent le cas des amours passion, éprouvait intérieurement de vives souffrances , torturé par une terrible jalousie; une jalousie morbide. Mais qu’est ce qui a pu susciter ces soupçons?
AZIZA, était réputée, non seulement pour sa beauté et son élégance naturelles, mais également pour sa gentillesse et sa bonté envers tout son entourage. Le narrateur contemporain de cette tragédie, reste muet sur les causes de ce soudain ressentiment. Lentement, dans l’esprit perturbé de RADJEB BEY, commencera, alors à germer l’idée de la tuer. La mort passion remplacera, désormais, l’amour passion.
Le moment fatidique où devait s’accomplir le drame sanglant qui rompit, d’une manière si inattendue, une union jusque là sans nuages arriva. C’était un dimanche, le 29 du mois de Djoumad el ouwel, de l’année 1079 de l’hégire (4 novembre 1668). RADJEB BEY, de plus en plus rongé par cette jalousie, tournée maintenant en haine inapaisable, décida enfin de mettre à exécution son perfide projet.
Il proposa à sa douce épouse de visiter le «Moulin à Poudre» qu’il venait récemment de faire construire au Hamma (environs de Constantine). Il ne l’accompagna pas, mais la fit suivre de ses dames de compagnie, des esclaves de sa maison, de Safia, une autre épouse du Bey et de sa belle fille Fatma Bent Ferhat. Après avoir visité le nouvel établissement, elles allèrent ensemble au magnifique jardin dit « Haad el Ancel », où elles devaient passer la nuit. Ne se doutant nullement du sort funeste qui l’attendait, le reste de la journée fut consacré aux divertissements et aux plaisirs, et quand la nuit étendit son voile sur les mortels et que le ciel se parsema d’étoiles, elle se retira avec sa suite sous la tente qu’on lui avait dressée. Le lourd silence des demi-ténèbres succéda aux joies bruyantes de la journée. Rien ne vint l’interrompre jusqu’au moment où brilla l’étoile du matin. AZIZA, qui était encore plongée dans les langueurs d’un sommeil, rendu plus profond par les fatigues de la veille, était désormais, une proie facile, prise dans un piège, dont nul ne pouvait la tirer.
C’est entre chien et loup, ce court moment d’incertitude qui suit immédiatement la fin du jour et précédé l’obscurité, que choisit un inquiétant personnage, guidé par les premières lueurs du crépuscule naissant, pour pénétrer au milieu de ce gynécée. Cet individu était Ben Cherdad, le serviteur particulier, l’âme damnée de RADJEB BEY. Il se glissa silencieusement dans la tente princière, sous laquelle sommeillait AZIZA BEY et, exécuteur impassible des ordres de son maître, il l’égorgea froidement et par neuf fois, lui plongea dans les entrailles, la lame de sabre encore toute fumante, du sang de sa malheureuse victime.


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Triste et pénible fin pour cette malheureuse femme.
Les funérailles de l’infortunée sultane eurent lieu le lendemain. Éploré ou feignant d’éprouver une immense douleur, RADJEB BEY, éleva à sa mémoire, un tombeau dont l’emplacement n’a, à ce jour, été identifié.
 
Farid Ghili
Notes:
*C’est désormais le seul vestige de la Djenina. Il existe également un Palais dans la commune de Beni Thamou (Blida) nommé DAR AZIZA BENT DEY. Sa construction remonterait au 18 éme siècle. Certaines sources historiques, affirment qu’il a été construit par le Dey Hussein pour sa fille  » Aziza » qui y venait en villégiature en été.Toujours squatté par des indus occupants, sa restauration est problématique en dépit des promesses des autorités.
** Rapporté par Eugène Vayssettes dans: Histoire de Constantine sous la domination Turque de 1517 à 1837.
*** Je ne peux m’empêcher,toutefois de relever certains faits qui contrarient cette thèse. Construire un aussi beau Palais dans l’enceinte de la Djenina, siège du pacha (l’ Agha Ali, en l’occurrence, avant l’avènement des DEY), qui comme on le sait, ne tolérerait pas qu’un subordonné fasse étalage de sa magnificence ou l’éclipse dans sa propre maison, par ses monumentales réalisations. Pourquoi n’a t-il pas construit ce palais à Constantine, sachant qu’il allait résider dans cette ville avec Aziza Bey, sa nouvelle épouse? Le mystère de Dar AZIZA et AZIZA Bey demeure donc, encore entier.
****Certains chroniqueurs européens trompés, sans doute,par son nom l’ont élevé au rang de Bey. Or, les principes de la Régence, de ne jamais confier à une femme un beylicat, sont bien établis. Au demeurant, aucun document ne vient appuyer l’assertion de ces chroniqueurs, visiblement mal informés.
 

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