Un métissage tardif entre sapiens et néandertal en Europe

Un métissage tardif entre sapiens et néandertal en Europe 40106

Le génome d'un homo sapiens découvert en Roumanie suggère que la première vague de peuplement de l'homme moderne en Europe s'est métissée avec les néandertaliens, mais sans que cela laisse de traces notables dans nos gènes…
Il y a entre 45 000 et 30 000 ans, Homo sapiens se répand en Europe, tandis que la lignée néandertalienne, présente depuis 300 000 ans, disparaît. Pourquoi ? La question fait couler beaucoup d'encre. Qiaomei Fu, de l’Académie des sciences chinoise et des collègues américains et européens apportent une nouvelle pierre au débat : ils ont séquencé l'ADN d'un Homo sapiens mort il y a plus de 40 000 ans en Roumanie, qui se révèle contenir deux à trois fois plus d’ADN néandertalien que chez les Eurasiens actuels !
L'individu en question, OASE 1, n'est connu que par une mandibule découverte dans la grotte roumaine de Pestera cu Oase. Cette mandibule n'est rattachée à aucun vestige culturel, car la grotte était une tanière d'ours. La datation par radiocarbone de ce fossile indique un âge compris entre 37 000 et 42 000 ans. OASE 1 faisait donc partie des tous premiers hommes anatomiquement modernes arrivés en Europe. La morphologie de sa mandibule est moderne, mais certains traits suggèrent des ancêtres néandertaliens. Les fouilles qui ont suivi la découverte de la mandibule ont livré le crâne d'un autre individu, OASE 2, qui présente aussi des traits potentiellement néandertaliens.
Le séquençage de l'ADN d'OASE 1 apporte plus de précisions sur cette question du métissage entre les hommes modernes et les néandertaliens. Il ne se serait pas limité aux premiers hommes modernes ayant quitté l’Afrique, mais s’est aussi produit ailleurs, et certainement en Europe. De l’ordre de 7,3 % de l’ADN d'OASE 1 était néandertalien, soit trois fois plus que chez les Eurasiens actuels (1 à 3% de nos gènes sont d'origine néandertalienne). L’étude de sept segments particulièrement longs d’ADN néandertalien représentant entre 1,6 et 6,3 % du génome d'OASE 1 montre qu’il a eu un ancêtre néandertalien seulement 4 à 6 générations avant lui. Tout aussi frappant : il est davantage apparenté aux Extrêmes orientaux et aux Amérindiens modernes qu'aux Européens actuels…
Comment interpréter ces constatations ? Une point semble désormais certain : un métissage a eu lieu en Europe. Puisque les néandertaliens disparaissent vers - 40 000 ans, ce métissage est tardif. Avec qui se produit-il ? OASE 1 était vraisemblablement membre d’une population de primo-arrivants sapiens, les porteurs de la culture aurignacienne (- 40 000 à - 28 000 ans). Les aurignaciens, fortement métissés avec les derniers néandertaliens, semblent pourtant n'avoir que que peu contribué au génome de la population européenne. Pourquoi ?


Avant Néandertal en Europe : Homo Heidelbergensis (1/3)


Longtemps après, une immigration massive, en provenance de Sibérie, a sans doute recouvert la nappe aurignacienne : la culture gravettienne (- 31 000 à - 22 000 ans, mais - 38 000 à l'est de l'Europe), qui succède à la culture aurignacienne et s'étend de l'Europe à la Sibérie. Ses porteurs disposent d'outils comparables à ceux des chasseurs-cueilleurs d’Amérique du Nord, assez efficaces pour permettre des populations nombreuses. Ainsi, les Gravettiens, nettement plus nombreux que les Aurignaciens mais moins métissés avec les néandertaliens, auraient recouvert la nappe aurignacienne, rendant le métissage moins signifiant génétiquement. Vers - 8 000 ans, l'arrivée depuis le Proche-Orient des agriculteurs-éleveurs, dont les ancêtres n'ont participé qu'au premier métissage néandertalien-sapiens au Proche-Orient, a sans doute achevé de rendre le métissage néandertalien-sapiens tardif peu significatif en Europe.


Néandertal et son génome




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