Amin Zaoui
Et si notre Histoire recule d’un demi-siècle !
Imaginons cela : si dès la première rentrée scolaire de l’Algérie indépendante nous avions choisi la langue tamazight comme langue pour l’école algérienne. Imaginons cela, si l’élève algérien, depuis cinquante ans, un peu plus, aurait trouvé dans son cahier scolaire, dans son livre scolaire, sur les bâtons de la craie blanche embrassant le noir du tableau scolaire, une autre langue le tamazight. Le monde aurait, sans doute, un autre visage. Penser les mathématiques en tamazight. Lire l’Histoire en tamazight. Siroter les romans de Bélaid Aït Ali, A3mar Mezdad, Rachid Aliche ou de Irahim Tazghart. Lire Taha Hussein, Gorki, Mahmoud Darwich, Samih el Qassem, Garcia Lorca, Garcia Marquez ou Taoufik El Haqim en tamazight !! Regarder le Jt du 20h, sur un écran noir et blanc, en tamazight. Imaginons cette harmonie, civilisationnelle et historique berçant l’imaginaire de l’Algérien. Le regard clair dans le miroir éclatant, notre miroir !! Si, depuis cinquante ans, un peu plus, les enfants que nous fûmes, avons-nous trouvé nos mamans dans nos cahiers scolaires, dans nos poésies et nos comptines, certes nous aurions évité beaucoup de catastrophes politiques, idéologiques et religieuses. Nous serions échappés au parti des frères musulmans. Passés loin de wahhabisme. Vaccinés du baasisme. Nous étions, en marginalisant la langue tamazight, dès la première rentrée scolaire un peuple égaré. Un peuple qui s’est trouvé noyé dans le fond de la jarre de l’obscurité du UN. Si depuis cinquante ans le tamazight a été enseigné aux côtés de l’arabe sur un pied d’égalité, aux côtés du français comme langue d’ouverture, ce peuple génie, les enfants d’Apulée, de Kahena, de saint Augustin, de saint Donat, de Ibn Toumert, de Ben Badis, de Ben Boulaid, de Farhat Abbas, de Amirouche, de Benbella, de Djamila Bouhired de… aurait réalisé une percée unique dans l’Histoire de la modernité. On a perdu beaucoup de temps, beaucoup de vies, beaucoup d’énergies. On a perdu deux ou trois générations dans des polémiques stériles. Dans des guéguerres entre frères, tout en focalisant sur l’identité. Et parce que nous avons abordé l’identité, comme religion, nous avons créé un énorme trouble d’identité chez l’Algérien. Et ainsi nous avons oublié de construire un pays moderne, une patrie de pluralité et de vivre ensemble. L’exclusion du tamazight dans l’histoire de l’Algérie indépendante a engendré une culture de la haine et de refus entre les Algériens, entre ceux qui parlent l’arabe, ceux qui parlent le français et ceux qui vivaient avec la peur au ventre en parlant amazigh ! Notre génération est en train de payer les dégâts politiques, linguistiques et idéologiques perpétrés par la première classe politique de l’Algérie indépendante. Après cinquante ans d’indépendance, un peu plus, on se retrouve dans le zéro, sur la ligne du commencement. Enfin, on se rend compte que la reconnaissance, l’enseignement et le sauvegarde des langues nationales sont le seul chemin fiable et capable de faire face à l’aliénation, face à l’islamisme radical. Face au wahhabisme. Barrage à toutes les formes d’extrémisme. Les langues ouvrent devant nous d’autres horizons qui libèrent notre imaginaire et forgent notre personnalité. Seul l’amour entre les langues en Algérie : le tamazight, l’arabe et le français est capable de créer un dynamisme exceptionnel dans l’environnement socioculturel, dans la création d’un capital solide et commun de symboles de lumière. Je crois en l’amour entre les langues. Un amour certes plein de jalousie, de concurrence, mais aussi de respect et d’écoute. Et c’est le rôle des élites éclairées d’ériger cet amour. Même en optant pour une seule langue imposée aux Algériens dès la première rentrée scolaire dans l’Histoire de l’Algérie indépendante, ces Algériens ne se connaissent pas assez, ne se reconnaissent pas. Les uns négligent les autres ! Une seule langue dictée, dans un pays comme l’Algérie, avec toutes ses richesses en patrimoines et en Histoire, a créé la haine et le refus de l’autre. Cet autre qui n’est, en fin de compte, qu’une partie du moi ! Une seule langue dictée et imposée politiquement n’a enfanté que le refus, l’entêtement et l’ignorance chez l’Algérien de son algérianité. Amin Zaoui
[NB : Les opinions, chroniques, post et commentaires... exprimés dans cette page ne reflètent pas nécessairement la ligne éditoriale et le point de vue de la page Ici Les Algériens De Montréal]
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Et si notre Histoire recule d’un demi-siècle !
Imaginons cela : si dès la première rentrée scolaire de l’Algérie indépendante nous avions choisi la langue tamazight comme langue pour l’école algérienne. Imaginons cela, si l’élève algérien, depuis cinquante ans, un peu plus, aurait trouvé dans son cahier scolaire, dans son livre scolaire, sur les bâtons de la craie blanche embrassant le noir du tableau scolaire, une autre langue le tamazight. Le monde aurait, sans doute, un autre visage. Penser les mathématiques en tamazight. Lire l’Histoire en tamazight. Siroter les romans de Bélaid Aït Ali, A3mar Mezdad, Rachid Aliche ou de Irahim Tazghart. Lire Taha Hussein, Gorki, Mahmoud Darwich, Samih el Qassem, Garcia Lorca, Garcia Marquez ou Taoufik El Haqim en tamazight !! Regarder le Jt du 20h, sur un écran noir et blanc, en tamazight. Imaginons cette harmonie, civilisationnelle et historique berçant l’imaginaire de l’Algérien. Le regard clair dans le miroir éclatant, notre miroir !! Si, depuis cinquante ans, un peu plus, les enfants que nous fûmes, avons-nous trouvé nos mamans dans nos cahiers scolaires, dans nos poésies et nos comptines, certes nous aurions évité beaucoup de catastrophes politiques, idéologiques et religieuses. Nous serions échappés au parti des frères musulmans. Passés loin de wahhabisme. Vaccinés du baasisme. Nous étions, en marginalisant la langue tamazight, dès la première rentrée scolaire un peuple égaré. Un peuple qui s’est trouvé noyé dans le fond de la jarre de l’obscurité du UN. Si depuis cinquante ans le tamazight a été enseigné aux côtés de l’arabe sur un pied d’égalité, aux côtés du français comme langue d’ouverture, ce peuple génie, les enfants d’Apulée, de Kahena, de saint Augustin, de saint Donat, de Ibn Toumert, de Ben Badis, de Ben Boulaid, de Farhat Abbas, de Amirouche, de Benbella, de Djamila Bouhired de… aurait réalisé une percée unique dans l’Histoire de la modernité. On a perdu beaucoup de temps, beaucoup de vies, beaucoup d’énergies. On a perdu deux ou trois générations dans des polémiques stériles. Dans des guéguerres entre frères, tout en focalisant sur l’identité. Et parce que nous avons abordé l’identité, comme religion, nous avons créé un énorme trouble d’identité chez l’Algérien. Et ainsi nous avons oublié de construire un pays moderne, une patrie de pluralité et de vivre ensemble. L’exclusion du tamazight dans l’histoire de l’Algérie indépendante a engendré une culture de la haine et de refus entre les Algériens, entre ceux qui parlent l’arabe, ceux qui parlent le français et ceux qui vivaient avec la peur au ventre en parlant amazigh ! Notre génération est en train de payer les dégâts politiques, linguistiques et idéologiques perpétrés par la première classe politique de l’Algérie indépendante. Après cinquante ans d’indépendance, un peu plus, on se retrouve dans le zéro, sur la ligne du commencement. Enfin, on se rend compte que la reconnaissance, l’enseignement et le sauvegarde des langues nationales sont le seul chemin fiable et capable de faire face à l’aliénation, face à l’islamisme radical. Face au wahhabisme. Barrage à toutes les formes d’extrémisme. Les langues ouvrent devant nous d’autres horizons qui libèrent notre imaginaire et forgent notre personnalité. Seul l’amour entre les langues en Algérie : le tamazight, l’arabe et le français est capable de créer un dynamisme exceptionnel dans l’environnement socioculturel, dans la création d’un capital solide et commun de symboles de lumière. Je crois en l’amour entre les langues. Un amour certes plein de jalousie, de concurrence, mais aussi de respect et d’écoute. Et c’est le rôle des élites éclairées d’ériger cet amour. Même en optant pour une seule langue imposée aux Algériens dès la première rentrée scolaire dans l’Histoire de l’Algérie indépendante, ces Algériens ne se connaissent pas assez, ne se reconnaissent pas. Les uns négligent les autres ! Une seule langue dictée, dans un pays comme l’Algérie, avec toutes ses richesses en patrimoines et en Histoire, a créé la haine et le refus de l’autre. Cet autre qui n’est, en fin de compte, qu’une partie du moi ! Une seule langue dictée et imposée politiquement n’a enfanté que le refus, l’entêtement et l’ignorance chez l’Algérien de son algérianité. Amin Zaoui
[NB : Les opinions, chroniques, post et commentaires... exprimés dans cette page ne reflètent pas nécessairement la ligne éditoriale et le point de vue de la page Ici Les Algériens De Montréal]
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