Brillant élève qu’il était, il fera trois classes en
#Muḥmed #Uḥaṛun
Monsieur le Président**:
"C'est avec un coeur lourd que je m'adresse à vous. Ces quelques phrases d'un condamné étancheront peut-être la soif de certains individus opprimés. Je m'adresse à vous avec une langue empruntée, pour vous dire, simplement et clairement, que l'Etat n'a jamais été la patrie. D'après Bakounine, c'est l'abstraction métaphysique, mystique, juridique, politique de la patrie. Les masses populaires de tous les pays, aiment profondément leur patrie, mais c'est un amour réel, naturel, pas une idée: un fait. Et c'est pour cela que je me sens franchement le patriote de toutes les patries opprimées"
Mohamed HAROUN ou MASIN UHARUN est né à Tifrit, village de la région d’Akbou (Bgayet), en Kabylie, le 13 avril 1949. Son père, le sergent Tahar, est tombé au champ d’honneur en 1958, sa mère, elle, est morte dans un accident de la circulation en venant lui rendre visite en prison. Il a perdu deux soeurs, mortes de misère au lendemain de la Guerre de libération.
Ses études, il les a commencés à l’âge de 11 ans dans un camp militaire français. En 1963, après l’Indépendance, il rejoint le Centre d’enfants de chouhada de Bir-Latrach à El-Eul une seule année (CM1, CM2 et la classe de fin d’études) puis orienté vers le C. E. T., un collège de l’enseignement supérieur situé à El-Eulma.
En 1967, il s’est inscrit au C.N.E.T. de Sidi Aïch (Bgayet) pour préparer un CAP d’ajusteur. C’est sur concours qu’il a été admis au Lycée technique de Dellys où il a obtenu le brevet de maîtrise et le baccalauréat technique avant de s’inscrire à la Faculté centrale d’Alger dans la filière des sciences exactes.
Un de ses voeux, à l’époque, c’était l’étude de la conception du laser. Parallèlement, il travaillait pour subvenir à ses besoins et étudiait l’astronomie à l’Observatoire de Bouzaréah. Cela ne l’a pas empêché de se consacrer à la recherche sur la langue berbère et à entrer en contact avec Mouloud MAMMERI, alors directeur du C. R. A. P. E. (Centre national de Recherches Anthropologiques, Préhistoriques et Ethnologiques) d’Alger.
Brillant étudiant en physique nucléaire à l’Université d’Alger, HAROUN fait partie des premiers berbérisants à avoir posé le problème de l’enseignement de Tamazight sous le régime de Boumediène.
Ainsi, et pour répondre aux négateurs du fait Amazigh, il n’hésitait pas à assurer des versions de ses cours de physique nucléaire en Berbère pour démontrer que cette langue est bien apte à véhiculer la relativité d’EINSTEIN aussi bien que le Français et l’Anglais.
Entre 1972 et 1975, Mohamed HAROUN participe à la création des deux revues « Itij » (Soleil) et « Taftilt » (La mèche) écrites en caractères tifinagh avant de fonder l’O. F. B. (Organisation des Forces Berbères) qui devrait prendre en charge politiquement la question berbère.
Le 5 janvier 1976, suite à l’affaire des poseurs de bombes dont il était lui-même impliqué, il est arrêté avec plusieurs de ses camarades et condamné à perpétuité à la prison de Tazoult (Lambèse).
En 1986, madame Fatima MEDJEBER diffusa un long manifeste dans lequel elle dénonça l’arbitraire, les tortures, et lança un vibrant appel de détresse « à tous les artistes, à tous les hommes et à toutes les femmes épris de justice et de liberté pour faire pression sur les autorités algériennes afin de sauver ce qui reste de vivant de son fils, de Mohamed HAROUN et de leurs camarades détenus politiques en Algérie ».
Grâce à ces actions conjuguées, de portées nationales et internationales, HAROUN, Mouhand Ousmaïl MEDJEBER, Hocine CHERADI et Lounès KACI furent libérés et graciés le 5 juillet 1987 à l’occasion du 25ème anniversaire de l’Indépendance de l’Algérie.
Les onze années de prison où Mohamed a subi les pires tortures du Régime ne l’ont pas changé. En effet, malgré sa situation carcérale, Mohamed n’a pas interrompu sa passion pour l’étude et la recherche en linguistique berbère.
Il a écrit, en outre, plusieurs recueils de poésie comme « Abrid n tlelli » (Le chemin de la liberté). Son enfance, son itinéraire dans la vie et sa vision du monde occupe une place non négligeable de son oeuvre poétique.
A sa libération, HAROUN reprit le flambeau de la lutte au sein du M. C. B. (Mouvement Culturel Berbère) ; il fut l’un des organisateurs du deuxième séminaire du M. C. B. en juillet 1989 à Tizi Ouzou et réalisa, outre des travaux scientifiques dont deux calculatrices, des essais sur la grammaire berbère, un essai de traduction du Coran et plusieurs tableaux de peinture d’inspiration berbère.
Dans un entretien qu’il a accordé au journal « Le Pays », en 1991, Mohamed HAROUN explique ses malheurs et ses souffrances : « Ce qui m’avait touché, c’était le fait d’être présenté comme étant anti-Algérien, un bandit, un vaurien, un fou (…). Mais le comble de tout cela, c’est quand ils ont osé porter atteinte à la mémoire de mon père en me faisant passer pour un fils de harki (traître) alors que mon père est un sergent mort pour l’Algérie (…). Les premières années étaient atroces, j’ai même connu l’isolement, on a voulu me faire passer pour un fou et ce pendant deux ans au moins. C’est une raison pour moi de ne pas perdre la raison. J’ai lutté contre la folie, je ne m’en suis sorti de cet enfer que grâce à ma persévérance et mon esprit de lutteur, de combattant (...) ».
Mohamed HAROUN est décédé suite à un arrêt cardiaque survenu le 22 mai 1996 alors qu’il était atteint d’une tumeur au cerveau. La nouvelle de sa mort qui s’est répandue comme une traînée de poudre à travers toute la Kabylie et même au-delà tant il était connu de tous à travers son farouche combat pour la cause amazighe, la démocratie et les droits de l’homme.
Mohamed HAROUN a laissé derrière lui une veuve et deux orphelines, il est mort comme il est né : dans la misère, la pureté et l’innocence, mais une chose est sûre, Mohamed HAROUN était et demeure le symbole de la lutte contre l’oppression du Pouvoir à l’encontre des Berbères et l’une des figures du combat identitaire et linguistique amazigh.
**la lettre Monsieur le président est une lettre écrite de la main Mohamad Haroun lors de sa détention à la prison de lambère -Batna chantée ensuite par Matoub Lounes
Source: Hacemass
Hommage à Mohamed Haroun (1949-1996), militant de l'amazighité, par Djamel Ouarem
Hommage rendu à Mohamed Haroun - Masin U Harun (1949 - 1996)
Natif de Tifrit dans la commune d’Akbou, Mohamed HAROUN
#Muḥmed #Uḥaṛun
Monsieur le Président**:
"C'est avec un coeur lourd que je m'adresse à vous. Ces quelques phrases d'un condamné étancheront peut-être la soif de certains individus opprimés. Je m'adresse à vous avec une langue empruntée, pour vous dire, simplement et clairement, que l'Etat n'a jamais été la patrie. D'après Bakounine, c'est l'abstraction métaphysique, mystique, juridique, politique de la patrie. Les masses populaires de tous les pays, aiment profondément leur patrie, mais c'est un amour réel, naturel, pas une idée: un fait. Et c'est pour cela que je me sens franchement le patriote de toutes les patries opprimées"
Mohamed HAROUN ou MASIN UHARUN est né à Tifrit, village de la région d’Akbou (Bgayet), en Kabylie, le 13 avril 1949. Son père, le sergent Tahar, est tombé au champ d’honneur en 1958, sa mère, elle, est morte dans un accident de la circulation en venant lui rendre visite en prison. Il a perdu deux soeurs, mortes de misère au lendemain de la Guerre de libération.
Ses études, il les a commencés à l’âge de 11 ans dans un camp militaire français. En 1963, après l’Indépendance, il rejoint le Centre d’enfants de chouhada de Bir-Latrach à El-Eul une seule année (CM1, CM2 et la classe de fin d’études) puis orienté vers le C. E. T., un collège de l’enseignement supérieur situé à El-Eulma.
En 1967, il s’est inscrit au C.N.E.T. de Sidi Aïch (Bgayet) pour préparer un CAP d’ajusteur. C’est sur concours qu’il a été admis au Lycée technique de Dellys où il a obtenu le brevet de maîtrise et le baccalauréat technique avant de s’inscrire à la Faculté centrale d’Alger dans la filière des sciences exactes.
Un de ses voeux, à l’époque, c’était l’étude de la conception du laser. Parallèlement, il travaillait pour subvenir à ses besoins et étudiait l’astronomie à l’Observatoire de Bouzaréah. Cela ne l’a pas empêché de se consacrer à la recherche sur la langue berbère et à entrer en contact avec Mouloud MAMMERI, alors directeur du C. R. A. P. E. (Centre national de Recherches Anthropologiques, Préhistoriques et Ethnologiques) d’Alger.
Brillant étudiant en physique nucléaire à l’Université d’Alger, HAROUN fait partie des premiers berbérisants à avoir posé le problème de l’enseignement de Tamazight sous le régime de Boumediène.
Ainsi, et pour répondre aux négateurs du fait Amazigh, il n’hésitait pas à assurer des versions de ses cours de physique nucléaire en Berbère pour démontrer que cette langue est bien apte à véhiculer la relativité d’EINSTEIN aussi bien que le Français et l’Anglais.
Entre 1972 et 1975, Mohamed HAROUN participe à la création des deux revues « Itij » (Soleil) et « Taftilt » (La mèche) écrites en caractères tifinagh avant de fonder l’O. F. B. (Organisation des Forces Berbères) qui devrait prendre en charge politiquement la question berbère.
Le 5 janvier 1976, suite à l’affaire des poseurs de bombes dont il était lui-même impliqué, il est arrêté avec plusieurs de ses camarades et condamné à perpétuité à la prison de Tazoult (Lambèse).
En 1986, madame Fatima MEDJEBER diffusa un long manifeste dans lequel elle dénonça l’arbitraire, les tortures, et lança un vibrant appel de détresse « à tous les artistes, à tous les hommes et à toutes les femmes épris de justice et de liberté pour faire pression sur les autorités algériennes afin de sauver ce qui reste de vivant de son fils, de Mohamed HAROUN et de leurs camarades détenus politiques en Algérie ».
Grâce à ces actions conjuguées, de portées nationales et internationales, HAROUN, Mouhand Ousmaïl MEDJEBER, Hocine CHERADI et Lounès KACI furent libérés et graciés le 5 juillet 1987 à l’occasion du 25ème anniversaire de l’Indépendance de l’Algérie.
Les onze années de prison où Mohamed a subi les pires tortures du Régime ne l’ont pas changé. En effet, malgré sa situation carcérale, Mohamed n’a pas interrompu sa passion pour l’étude et la recherche en linguistique berbère.
Il a écrit, en outre, plusieurs recueils de poésie comme « Abrid n tlelli » (Le chemin de la liberté). Son enfance, son itinéraire dans la vie et sa vision du monde occupe une place non négligeable de son oeuvre poétique.
A sa libération, HAROUN reprit le flambeau de la lutte au sein du M. C. B. (Mouvement Culturel Berbère) ; il fut l’un des organisateurs du deuxième séminaire du M. C. B. en juillet 1989 à Tizi Ouzou et réalisa, outre des travaux scientifiques dont deux calculatrices, des essais sur la grammaire berbère, un essai de traduction du Coran et plusieurs tableaux de peinture d’inspiration berbère.
Dans un entretien qu’il a accordé au journal « Le Pays », en 1991, Mohamed HAROUN explique ses malheurs et ses souffrances : « Ce qui m’avait touché, c’était le fait d’être présenté comme étant anti-Algérien, un bandit, un vaurien, un fou (…). Mais le comble de tout cela, c’est quand ils ont osé porter atteinte à la mémoire de mon père en me faisant passer pour un fils de harki (traître) alors que mon père est un sergent mort pour l’Algérie (…). Les premières années étaient atroces, j’ai même connu l’isolement, on a voulu me faire passer pour un fou et ce pendant deux ans au moins. C’est une raison pour moi de ne pas perdre la raison. J’ai lutté contre la folie, je ne m’en suis sorti de cet enfer que grâce à ma persévérance et mon esprit de lutteur, de combattant (...) ».
Mohamed HAROUN est décédé suite à un arrêt cardiaque survenu le 22 mai 1996 alors qu’il était atteint d’une tumeur au cerveau. La nouvelle de sa mort qui s’est répandue comme une traînée de poudre à travers toute la Kabylie et même au-delà tant il était connu de tous à travers son farouche combat pour la cause amazighe, la démocratie et les droits de l’homme.
Mohamed HAROUN a laissé derrière lui une veuve et deux orphelines, il est mort comme il est né : dans la misère, la pureté et l’innocence, mais une chose est sûre, Mohamed HAROUN était et demeure le symbole de la lutte contre l’oppression du Pouvoir à l’encontre des Berbères et l’une des figures du combat identitaire et linguistique amazigh.
**la lettre Monsieur le président est une lettre écrite de la main Mohamad Haroun lors de sa détention à la prison de lambère -Batna chantée ensuite par Matoub Lounes
Source: Hacemass
Hommage à Mohamed Haroun (1949-1996), militant de l'amazighité, par Djamel Ouarem
Hommage rendu à Mohamed Haroun - Masin U Harun (1949 - 1996)
Natif de Tifrit dans la commune d’Akbou, Mohamed HAROUN