?Qu'est-ce que l'énergie noire, ou énergie sombre, qui accélère l'expansion de l'Univers
?Qu'est-ce que l'énergie noire, ou énergie sombre, qui accélère l'expansion de l'Univers  1-244
Elle constitue l'essentiel du contenu de l'Univers et accélère son expansion… "Quelle est la nature de l’énergie sombre, ou énergie noire ?", nous demande un lecteur sur notre page Facebook. C'est notre question de la semaine.
"Quelle est la nature de l’énergie sombre qui conduit l’accélération cosmique ?", nous demande Cristina Barrella Penna sur notre page Facebook. C'est notre question de lecteur de la semaine. Pour y répondre, nous vous proposons de (re)découvrir en intégralité ci-dessous notre article "L'énergie noire, obscur moteur du cosmos" issu du magazine Les Indispensables de Sciences et Avenir n°209 (daté avril/ juin 2022).
?Qu'est-ce que l'énergie noire, ou énergie sombre, qui accélère l'expansion de l'Univers  1-1018
L'énergie sombre agit sur l'expansion cosmique, une idée qui remonte à 1998
Chaque centimètre cube de vide contient, du simple fait d’exister, une certaine quantité d’énergie, propre à l’espace lui-même. Du moins est-ce ce que postule le modèle standard actuel de la cosmologie. Une énergie, certes, très, très faible : un kilomètre cube d’espace vide n’en contient pas tout à fait assez pour faire bouillir une goutte de pluie… Mais pour paraphraser l’écrivain britannique Douglas Adams, auteur du Guide du voyageur galactique, "l’espace, c’est grand", assez grand pour que cette énergie, uniformément présente dans son immense volume, représente un peu plus du double de l’énergie contenue dans la matière, qu’elle soit noire ou ordinaire. L’effet de cette énergie dite "sombre" – pour la seule raison qu’on en ignore la nature – est d’accélérer l’expansion cosmique.
Cette étrange idée s'est imposée en 1998, lorsque deux équipes, dirigées respectivement par l'Australien Brian Schmidt et l'Américain Saul Perlmutter, annoncèrent que des supernovæ qui avaient explosé il y a près de 8 milliards d'années apparaissaient moins brillantes et donc plus lointaines que prévu. Jusque-là, les astronomes étaient persuadés que l'expansion de l'Univers n'avait cessé de ralentir depuis le Big Bang, du fait de l'attraction gravitationnelle qu'exercent les galaxies les unes sur les autres - de même qu'un objet qu'on lance vers le haut perd de la vitesse à mesure qu'il s'éloigne de la Terre.

Attraction gravitationnelle contre gravité répulsive
Or, les études sur les supernovæ semblaient signifier qu'au cours du dernier tiers de l'histoire cosmique, l'expansion de l'Univers avait cessé de ralentir et commencé, au contraire, à… accélérer ! Comme si une balle lancée en l'air était soudain soufflée vers l'espace par une force mystérieuse. L'explication la plus immédiate - déjà postulée par Einstein - revenait à admettre la présence dans l'espace d'une "énergie du vide" constante, exerçant une gravité répulsive. Selon cette hypothèse, tant que l'Univers était suffisamment dense (en gros, deux fois plus petit qu'aujourd'hui), l'attraction gravitationnelle qu'exerçait sur elle-même la matière ralentissait, comme de juste, l'expansion. Mais l'Univers grandissant, son contenu se diluait. Ce n'était ainsi qu'une question de temps avant que la densité de matière ne tombe en dessous de celle - constante, donc - de cette "énergie du vide", et que la gravité répulsive prenne le dessus.
Par ailleurs, plusieurs observations avaient montré, dès les années 1990, qu'à très grande échelle, l'espace est "plat" (ce qui signifie simplement qu'il obéit aux règles de la géométrie euclidienne). En effet, le fond de rayonnement cosmologique - l'image en micro-ondes de l'Univers jeune qui tapisse le fond du ciel -serait déformé, comme par une sorte d'effet de loupe, par le volume d'espace qui nous en sépare, si ce dernier était courbé. Or, ce n'est pas le cas… Le problème, jusqu'à l'annonce de Schmidt et de Perlmutter, c'est qu'en comptabilisant toute la matière ordinaire qu'on savait présente dans l'Univers et toute la matière noire dont on soupçonnait l'existence, on n'obtenait jamais qu'un tiers de la masse nécessaire pour que l'Univers soit spatialement plat. Miracle : l'énergie du vide postulée pour expliquer l'accélération cosmique avait la bonne valeur pour constituer les deux tiers manquants !
?Qu'est-ce que l'énergie noire, ou énergie sombre, qui accélère l'expansion de l'Univers  1--447
Depuis, de nombreuses observations ont confirmé l'existence de cette énergie sombre… sans que l'on comprenne sa nature. "Il y a plusieurs hypothèses, explique Sandrine Codis, astrophysicienne au CNRS. Une possibilité est qu'il s'agisse d'une authentique 'énergie du vide' - mais cela ne convainc désormais à peu près plus personne." La raison en est que si, comme on l'a dit, un modèle postulant une énergie constante intrinsèque au vide donne d'excellents résultats empiriques, la physique théorique ne parvient pas à en expliquer la valeur : en physique des particules, "l'énergie du vide" devrait être soit infinie, soit plus vraisemblablement rigoureusement nulle, mais rien ne justifie qu'elle vaille en fait 0,0000000000006 joule par centimètre cube !
Beaucoup de scientifiques préfèrent donc imaginer que le vide n'a pas d'énergie par lui-même, mais contient un autre champ dont le comportement serait presque celui d'une énergie du vide : "Un genre de fluide qui imprègnerait l'espace et aurait une équation d'état légèrement différente", ajoute Sandrine Codis. Par "équation d'état", les astrophysiciens expriment, dans les grandes lignes, la manière dont une substance se dilue à mesure que l'espace cosmique s'étend. Ainsi, par exemple, une énergie intrinsèque à chaque centimètre cube d'espace ne se dilue pas du tout avec l'expansion (quand vous ajoutez à l'Univers des centimètres cubes, vous ajoutez autant d'énergie du vide). Mais l'autre possibilité, un champ d'énergie - parfois appelé "quintessence" - qui se diluerait juste très peu jouerait un rôle similaire. "Inutile de dire qu'en ce moment, les théoriciens s'en donnent à cœur joie et proposent régulièrement des modèles, presque tous plus farfelus les uns que les autres !", s'amuse la chercheuse.

"Les années passent et les problèmes demeurent"
Comment trancher ? Le modèle cosmologique actuel se contente de postuler une énergie constante, ce qui lui suffit pour qu'il concorde au mieux avec toutes les observations. Mais on peut affiner ces dernières. Il se trouve que la façon dont les grandes structures - galaxies et amas - croissent au cours du temps est très sensible à la recette exacte du contenu de l'Univers. Et que cartographier l'Univers profond à grande échelle permet d'étudier son évolution en détail. Une étude de cette évolution révélera-t-elle un comportement de l'énergie sombre plus inconstant que celui que lui attribue le modèle actuel
Voilà qui permettrait peut-être d'en deviner la nature. "C'est par exemple l'objectif de la mission Euclid. Mais il y en a d'autres, comme de grands recensements effectués depuis la Terre, s'enthousiasme Sandrine Codis. Des missions d'autant plus nécessaires que sont apparues, depuis plusieurs années, des tensions dans le modèle cosmologique concernant le rythme de l'expansion, ou des contradictions entre différentes mesures de la quantité de matière dans l'Univers."
?Qu'est-ce que l'énergie noire, ou énergie sombre, qui accélère l'expansion de l'Univers  1---214
Ces contradictions pourraient n'être que le fruit de biais produits par la méthode de mesure. "Mais les années passent et les problèmes demeurent, s'inquiète Sandrine Codis. Il se pourrait donc que le modèle soit trop simpliste." Certains théoriciens pensent que l'apparente accélération de l'expansion pourrait n'être qu'un phénomène local, dû au fait que nous vivons dans une bulle anormalement peu dense de l'Univers qui s'étendrait donc un brin plus rapidement que le reste : comme nous observons ces régions lointaines, de densité normale, telles qu'elles étaient autrefois, cela créerait l'illusion que l'Univers s'est mis à accélérer récemment… Une idée qui n'a toutefois donné que des résultats peu satisfaisants jusqu'ici. Dans tous les cas, la clé réside dans ces futures cartes de l'Univers profond. "Toute la communauté est très impatiente de recevoir les données qui vont tomber dans les prochaines années !", conclut Sandrine Codis.



Source: sites internet