Archéologie : découverte exceptionnelle de statues gauloises et d’une tombe néolithique à Artenay
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Vues de détail d’un fragment de statue de style celtique, représentant un torse humain. Au dos sont sculptés deux animaux en plein combat. Cette association de représentations anthropomorphe et zoomorphe est extrêmement rare © Mathilde Noel, Inrap
Sur le site archéologique d'Artenay, en région Centre-Val de Loire, les chercheurs de l'Inrap ont récemment découvert un immense complexe rural de l'époque gauloise. Parmi les restes de structures mis au jour figurent deux statues pour le moins intrigantes. Une tombe néolithique, très particulière, a également retenu leur attention.
Sur le site d’Artenay, près d’Orléans, plusieurs siècles d’histoire s’entremêlent, du Néolithique à la Gaule romaine. Dans cet espace de 9 hectares, investigué depuis août 2020, les archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ont découvert deux ensembles agricoles de l’époque gauloise, entourés par de profonds fossés, comprenant chacun une résidence aristocratique. Ces ensembles ont révélé deux fragments de statues, fait très rare pour ce qui concerne la Gaule, d’autant plus dans cette région. Une tombe néolithique, contenant un squelette en position fœtale serrant un bois de cerf, a aussi été mise au jour. Cet immense site, qui accueillera bientôt la ZAC d’Artenay-Poupry, pose de très nombreuses questions aux archéologues, notamment sur les liens entre les deux fermes gauloises.
Aristocrates gaulois
La principale découverte du site se concentre sur le complexe rural gaulois. Il s’agit de deux vastes fermes, de 7 200 et 4 300 m², séparées par à peine 50 mètres. Occupées simultanément du Ier siècle av. J.-C. au IIe siècle ap. J.-C., elles ont été révélées par les traces laissées par les larges poteaux de bois utilisés dans les constructions gauloises et par les fossés creusés pour délimiter ces propriétés. Les seigneurs gaulois de l’époque, qui fondaient leur richesse sur l’exploitation agricole, faisaient en effet aménager de vastes fossés qui, s’ils n’arrêtaient pas les ennemis éventuels, permettaient d’affirmer leur prestige. Cela est particulièrement visible dans le fait que les fossés sont bien plus profonds à l’entrée des exploitations agricoles qu’aux autres extrémités.
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On peut ici constater la pente du fossé, creusé dans le calcaire par des ouvriers gaulois ou des esclaves. Les différentes couches observables correspondent au remblayage progressif du fossé par les occupants avec la terre du talus adjacent, qui se trouvait à droite. © Antoine Bourdon
Avec la terre extraite de ces fossés, un talus, probablement végétalisé, était érigé dans l’enceinte du fief pour le protéger des assaillants et du vent. Au sein de ces complexes, on trouvait à la fois une vaste demeure, ce qui laisse supposer que les maîtres des lieux étaient particulièrement puissants, une série de caves servant à entreposer temporairement des vivres et des ateliers, des fours et des habitations qui abritaient probablement les familles travaillant pour le chef du domaine. Selon Jean-Philippe Gai, l’archéologue responsable de l’opération de fouilles, l’influence de Rome se fait déjà sentir sur ce site, notamment au niveau de l’organisation des espaces, qui rappelle celle des villas romaines.
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Plan montrant l’étendu du chantier archéologique. Les zones en jaunes correspondent aux vestiges de la période gauloise et les zones en rouge à ceux de l’époque romaine © Antoine Bourdon
De multiples interrogations
Les concentrations de phosphate élevées au sein des sols ont, par ailleurs, permis de confirmer qu’il s’agissait bien d’exploitations agricoles. L’étude des graines retrouvées au fond des silos de l’époque a, elle, montré que les Gaulois pratiquaient la « double moisson », c’est-à-dire qu’ils récoltaient leurs céréales, principalement de l’épeautre et du blé, deux fois par an. Cette productivité très importante (que l’on pensait inventée à l’époque moderne) a permis aux Gaulois d’être extrêmement prospères et d’exporter leurs récoltes jusqu’à Rome.
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Les deux cercles que l’on peut observer dans la terre sur cette image montrent l’emplacement d’un large poteau de bois servant à soutenir les structures gauloises en torchis © Antoine Bourdon
Et le site d’Artenay n’a pas fini de nous surprendre. Les archéologues cherchent notamment à déterminer pourquoi deux enceintes agricoles, qui marquaient souvent la domination d’un chef sur un territoire d’un kilomètre carré environ, qui se tournent le dos et dont l’une semble légèrement plus ancienne que l’autre, ont coexisté sur un espace aussi restreint. Les chercheurs estiment qu’il est possible qu’elles aient appartenu au même chef mais remplissaient des fonctions différentes. Enfin, si elles ont connu plusieurs incendies dévastateurs, qui ont donné lieu à diverses reconstructions, ceux-ci n’expliqueraient pas la désertion des deux campements, dont la cause reste à déterminer.
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Cet amas plus rocailleux montre que le poteau de bois qui se trouvait dans ce trou s’est consumé et que la structure s’est effondrée, comblant le trou avec des morceaux de torchis © Antoine Bourdon
Une statuaire exceptionnelle
Au-delà de nombreux morceaux de céramique, deux remarquables fragments de statues de l’époque gauloise ont également été trouvés par les archéologues. Le premier est un buste de style celtique, dont la tête et le bas ont été brisés, et qui montre un personnage aux mains placées sur le ventre, avec un brassard gaulois typique. Dans son dos, deux animaux, qui pourraient être des cerfs ou des béliers, ont été représentés en train de se battre. Ce morceau de calcaire sculpté est unique, il n’en existe pas de semblable dans la région Centre-Val de Loire, la majorité des statues gauloises ayant été découvertes en Bretagne. Par ailleurs, il s’agit d’une des seules représentations de l’époque combinant à la fois des humains et des animaux. Ses traits semblent la lier à un style sculptural allemand, caractérisé notamment par l’élongation des membres et la position des pouces, mais antérieur de quatre siècles à la datation de la statue, ce qui interroge fortement les chercheurs.
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Ce type de sculptures est extrêmement rare, particulièrement dans la région Centre-Val de Loire
Le deuxième fragment de statue est une tête en terre cuite, qui appartenait probablement à une sculpture plus grande. Les yeux et les oreilles sont très proéminents et la rapprochent également du style celtique. Il n’existe pas d’équivalent de cet objet ailleurs en France mais il possède des caractéristiques proches de celles de quatre bustes du Ier siècle mis au jour en octobre 2019 à Trémuson en Bretagne. Ces deux découvertes sont très étonnantes et sont nimbées de mystères. Qui sont les personnages représentés ? S’agit-il de divinités, de gaulois illustres ou des maîtres des lieux ? Ont-elles été cassées volontairement ? Si oui, pourquoi et si non, où sont les autres fragments ? Pourquoi ont-elles été jetées dans un fossé ? Les études post-fouilles de l’Inrap permettront sans doute d’éclairer ces zones d’ombre.
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Cette tête en terre cuite présente des caractéristiques proches d’autres bustes découverts en Bretagne © Inrap
Découvertes préhistoriques
En plus d’une zone riche en silex, qui a probablement abrité des tailleurs d’outils pendant la Préhistoire, les chercheurs de l’Inrap ont mis au jour deux sépultures exceptionnelles datant d’entre 5500 et 3700 av. J.-C. Dans l’une d’entre elles, un squelette très particulier a été découvert. En position fœtale, l’homme tient entre ses bras un bois de cerf perforé et avait une hache polie, servant à l’abattage des arbres, placée sous sa tête. Appelée herminette, cet outil était encore placé dans une gaine, elle aussi fait en bois de cerf. Parmi les autres sépultures du Néolithique, qui présentent en général peu de caractéristiques individuelles, la tombe d’Artenay fait ici figure d’exception.
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Vue aérienne de la première zone du chantier archéologique d’Artenay © Inrap
Si vous souhaitez en apprendre plus sur ces découvertes mais aussi sur le métier et les techniques des archéologues en général, ceux-ci sont mobilisés du 18 au 20 juin pour présenter ces vestiges si singuliers, à l’occasion des Journées européennes de l’archéologie.




Source : sites Internet