Matoub Lounès.
Ce patriote de toutes les patries opprimées né le 24 janvier 1956 à. Ait Douala et que les chasseurs de lumières ont assassiné le 25 juin 1998 dans un guet-apens. Cela s'est passé au lieu dit " Tala Bounane " entre Tizi-Ouzou et son village natal situé au cœur de Kabylie qu'il n'a jamais songé à quitter ainsi que son pays qu'il aimait.
Matoub Lounes n'était pas seulement un grand chanteur et poète mais aussi et surtout un défenseur et un symbole hors du commun de toutes les causes justes.
Grand admirateur du père spirituel de la chanson Amazighe, le grand Slimane Azem, Matoub Lounes est devenu une icône de la jeunesse et un grand symbole à l'instar des : Feraoun, Mammeri, Djaout, Azem, Lhasnaoui, Kateb, et tant d'autres encore.
Il est simplement considéré comme un Che Guevara ou un Martin Luther King.
Armé du vers, son unique arme, il disait tout haut ce que d'autres pensait tout bas.
Ce chantre de l'amazighité, le maquisard de la chanson revendicatif et contestataire comme disait Kateb Yacine, était un homme de principe et d'action, l'anticonformiste qui défrayait la chronique, qui n'a jamais plié devant rien. Il était et demeurait l'éternel insoumis et rebelle.
Mitraillé de sang froid, par les gendarmes, en octobre 1988, il fut atteint de plusieurs balles qui lui ont traversé le corps, blessé grièvement, il subira 17 interventions chirurgicales.
Ensuite enlevé et séquestré par un " groupe armé " pendant 15 jours en 1994. Il ne fut libéré que sous la pression de la population kabyle.
Celui qui était une figure charismatique et rassembleuse, était conscient des menaces qui pesaient sur sa personne. La mort le guettait à tout moment, c'est lui qui disait un jour :
"Je suis un mort en sursis; je suis conscient du danger permanent qui pèse sur moi de la part de groupes armés et des terroristes islamistes, du pouvoir sans compter tous ceux que je dérange et me détestent.
Je sais que je vais tomber entre leurs mains, il est probable qu'ils m'auront un jour ou l'autre. Cependant, quoi qu'il arrive, l'Algérie est ma patrie, je préfère mourir parmi les miens et si on m'assassine, qu'on me couvre du drapeau national et que les démocrates m'enterrent dans mon village. Ce jour-là, j'entrerai définitivement dans l'éternité."
Matoub Lounes a abreuvé son public de vers vindicatifs, porte-voix et défenseur acharné de la cause Amazighe ce qu'il lui vaut une estime populaire et acquiert une dimension nationale et internationale.
Matoub Lounès disait : " Si je peux choisir, je choisirai de mourir pour mes idées, en effet, mieux vaut mourir pour la liberté, la démocratie, et l'Algérie libre."
Entre la famille qui recule et la famille qui avance, son choix a été vite fait en s'investissant dont celle qui avance comme son grand ami le célèbre écrivain et poète Tahar Djaout, premier journaliste et intellectuel algérien assassiné à Alger, le 26 mai 1993 à l'âge de 39 ans.
Matoub Lounes était l'artisan du mot choisi, du verbe ciselé, celui qui joignait le geste à la parole, bien sûr, les poètes sont ceux qui inventent, disent et font.
Il a bercé des millions de gens avec sa voix rauque, celle des humbles, celle que nous continuerons d'entendre longtemps et à jamais.
Il a payé de sa vie en bravant la mort, les monstres et le pouvoir, il demeurera pour nous tous ce symbole de la résistance, la lutte et la défense de toutes les causes justes.
Cet homme invincible qui demeure l'emblème du courage et du sacrifice était une cible facile pour ses assassins.
Il disait dans une chanson en hommage au grand Tahar Djaout :
" Même s'ils ont effacé des étoiles, jamais le ciel n'en sera dépourvu."
L'héritier du père spirituel de la chanson berbère, Slimane Azem, était une légende vivante, populaire, une personne mythique, qui jouissait d'une grande popularité alors qu'il était interdit d'antenne et sur les ondes des médias algériens. Cet enfant prodige de Kabylie était un républicain né et démocrate dans l'âme.
Telle une étoile qui brille au milieu d'un amas et qui illumine le foyer des artisans des vers à l'instar du grand Slimane Azem, Youcef Oukaci, Si Mohand ou Mohand, Lounis Ait Menguellet et tant d'autres encore que l'on ne peut pas tous les citer tant la liste est longue.
Son engagement dans la chanson débute en 1978, lors de sa première K 7'' Yal Lferh-iw''.
Par la suite, une pléiade de cassettes tout les ans, des fois en deux volumes tant sa production était prolifique et ce jusqu'à sa mort.
Matoub Lounes a tout chanté, la misère, la faim, l'injustice, l'amitié, la fraternité pour tout les Algériens.
N'est-ce pas Matoub qui disait dans une chanson :
" A mes frères ! à l'Algérie entière !
Des montagnes du DjurDjura jusqu'au fin fond du désert, montrons notre courroux.
Montrons que nous nous aimons, mais sans porter atteinte aux consciences.
Mais porter un coup fatal, décisif, à ces soi-disant opposants ;
A ces fainéants de la nation qui se pavanent dans les salons de l'Occident Et qui nous embourbent de boue de désillusion.
Et à ces gens sans entente qui sèment le trouble et la honte sur cette terre prospère,
Très chère, où beaucoup de mères ont souffert.
Qu'ils se taisent !
Qu'ils se taisent !
Mais qu'ils se taisent ! "
Le poète en est le porte-drapeau, n'est-ce pas ? Un éveilleur de conscience bien sûr. En se souvient que la poésie a enflammée toute la Kabylie lors de l'interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri sur la poésie Amazighe ancienne qui a même déclenchée quasiment une révolution.
En effet, c'est ce qui a donné naissance au " Printemps berbère " dont Lounès était un des artisans et une cheville ouvrière de ce mouvement, tant par ces actions que par ses animations de plusieurs galas à l'occasion de chaque commémoration de cet événement important qu'est l'anniversaire de cette date 20 avril 1980.
C'est encore lui qui a toujours combattu pour le triomphe de son identité et composa une chanson pour les détenus du printemps berbère "Yehzen El Oued Aissi ", chanson devenue un hymne pour la jeunesse kabyle assoiffée de liberté, attachée à sa langue, culture et démocratie.
Si aujourd'hui, je parle sur ce ton, c'est que Matoub Lounès, en toute objectivité, était quelqu'un de bon, gentil et serviable, de grand aussi, non seulement par la bonté et la grandeur de sa renommée mais par ses innombrables talents.
Mouloud Mammeri avait été très touché par les paroles de Jean Amrouche lorsqu'il lui dit notamment :
" Je conçois et raisonne en français, mais je ne peux que pleurer en berbère. "
En plus de tous ses hommages parvenus de par le monde, sache bien Lounés, que nous avons tous pleuré dans toutes les langues et comme disait aussi Pierre de Ronsard :
"Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif et mort ton corps ne soit que roses ".
Un poète peut-il mourir ? Non, certes ! Les gens de ta trempe ne meurent jamais.
Comme disait Dda Lmulud à propos du célèbre poète Si Mohand u Mhand :"il y a des gens qui sont vivants, on dirait qu'ils sont morts et ils y a des gens qui sont morts et qui demeurent toujours vivants.»
" Illa walbεḍ illa ulac-it, illa wayeḍ ulac-it illa ", Keçç a Lwennas ulac-ik, telliḍ. "
En dépit des difficultés qui se sont dressées dans ton chemin, je suis sûr et certain que ton combat aboutira et les choses retrouveront leurs véritables places.
Ces poèmes(1) que j'ai composé pour toi Lounès, sont un hommage d'un poète à un autre poète.
* Lwennas Matub.