Namibie : des gravures millénaires d’une exceptionnelle précision ont permis aux spécialiste d’identifier 39 espèces d’animaux
Panneau exceptionnel du site d'art rupestre RAS 6, avec des représentations de girafes et d'autruches extraordinairement détaillées ( images améliorées numériquement des gravures ; photographies et illustrations de P. Breunig) / Plos One
Il y a plusieurs milliers d’années entre 5000 et 1000 avant notre ère, de magnifiques gravures ont été réalisées par des chasseurs-cueilleurs dans les montagnes de grès rouge de Doro! Nawas en Namibie.
Grâce à l’exceptionnelle précision de ces gravures, des experts autochtones familiers des lieux et des sujets étudiés, sont parvenus à identifier la quasi totalité des espèces représentées ainsi que leur sexe et même… leur âge ! Les résultats de l’étude ont été publiés dans la revue Plos One.
39 espèces animales différentes identifiées
Parmi les centaines de gravures retrouvées sur les rochers de grès, des figures humaines, des animaux, des oiseaux et de nombreuses empreintes de pas ont été identifiés. L’étude approfondie de 513 gravures a permis aux experts autochtones de reconnaître 39 espèces animales différentes.
Certaines espèces comme le rhinocéros, le babouin, le phacochère et le zèbre évoluent encore dans des zones arides à proximité de ces montagnes. Mais d’autres, plus habituées aux environnements humides comme le gnou bleu, le potamochère et la cigogne à bec ouvert ne vivent plus dans la région aujourd’hui. D’après les chercheurs, cela signifie peut-être que la région était plus humide il y a des milliers d’années ou que ces animaux ont été observés préalablement par les artistes lors de passages dans d’autres régions.
Panneau exceptionnel du site d’art rupestre RAS 6. Il s’agit du panneau le plus visible de RAS 6, présentant des représentations de girafes et d’autruches extraordinairement détaillées (en haut : gravures dans leur état d’origine ; en bas : images améliorées numériquement des gravures ; photographies et illustrations de P. Breunig) / Plos One
L’espèce, le sexe, l’âge et les pattes des animaux ont été identifiés grâce à la précision des gravures
Ces gravures mettent en avant les extraordinaires capacités de représentation des artistes anciens car la minutie dont ils ont fait preuve a permis aux pisteurs autochtones d’identifier, dans 90% des cas l’espèce, le sexe, l’âge et la patte spécifique des animaux et humains gravés dans la roche. D’après l’étude, certaines espèces, comme la girafe, le koudou, le springbok, la pintade, le rhinocéros et l’autruche étaient plébiscitées plus que d’autres. L’yctérope, le guépard, l’élan, le chacal ou le porc-épic ont quant à eux été beaucoup moins représentés. Les experts ont également noté une plus forte concentration d’animaux mâles d’âge adulte gravés sur les roches.
Pour l’anthropologue Gary Haynes, qui n’a pas participé à l’étude, ces identifications constituent une contribution “impressionnante et stimulante” à notre compréhension de l’art rupestre préhistorique et vont “bien au-delà de la capacité générale des archéologues à apprécier pleinement de telles gravures”.
?À quoi donc servaient ces gravures
Selon les experts autochtones Tsamgao Ciqae, Ui Kxunta et Thui Thao, ces gravures très diversifiées étaient peut-être utilisées comme outil pédagogique à destination des nouveaux arrivants, pour les aider à appréhender les différents animaux présents dans la région. Mais cette théorie présente quelques limites car les galeries étaient à certains endroits mal éclairées ou situées dans un étroit couloir et donc peu aptes à servir de salle de classe. En effet, certaines images, difficiles d’accès ont été sculptées au niveau du sol le long des murs intérieurs d’une étroite crevasse : pour les observer, il fallait s’allonger par terre et se faufiler à travers une fente!
!Le mystère autour du rôle de ces gravures reste donc à élucider
L’étroit couloir RAS 8-N, avec des gravures des deux côtés qui s’étendent jusqu’à la paroi rocheuse exfoliée inférieure ; du point de vue du photographe à l’entrée, celui-ci se trouve à environ trois mètres dans le couloir (photographie : T. Lenssen-Erz).
Sources : journals.plos.org / science.org