Kalašma, une langue oubliée depuis 3 000 ans, ressurgit des ruines de l’empire hittite en Turquie
Près de 30 000 tablettes d'argile couvertes d'écritures cunéiformes ont été découvertes à Boğazköy-Hattuşa. La plupart sont écrites en hittite. Administrateurs du British Museum
La récente découverte archéologique en Turquie, mettant en lumière la langue de Kalašma, réécrit l'histoire de l'Anatolie à l'âge du bronze. Issue des fouilles de Boğazköy-Hattuşa, elle révèle une coexistence culturelle et linguistique complexe au sein de l'empire hittite. Elle souligne l'importance de l'intégration culturelle dans la stabilité de l'empire et enrichit notre compréhension des dynamiques historiques et linguistiques de l'époque.
Au cœur de l’Anatolie, les fouilles archéologiques à Boğazköy-Hattuşa, site historique de l’ancien empire hittite et classé à l’UNESCO, ont récemment révélé une découverte exceptionnelle : une tablette d’argile inscrite dans une langue jusqu’alors inconnue, baptisée « Kalašma ». Cette trouvaille, parmi de milliers d’autres tablettes écrites en cunéiforme, faites lors d’une expédition dirigée par Andreas Schachner, archéologue à l’Institut archéologique allemand, datent de plus de 3000 ans. Elle offre un nouvel éclairage sur la diversité linguistique et culturelle de l’époque du bronze tardif. Relayée par un communiqué de l’Université de Würzburg, la révélation soulève des questions fascinantes sur les pratiques d’assimilation et la coexistence des peuples au sein de l’empire hittite, réputé pour sa tolérance et son ouverture aux cultures étrangères.
Un patrimoine écrit exceptionnel dans les ruines hittites
La récente découverte archéologique à Boğazköy-Hattuşa, en Turquie, a donc révélé une tablette vieille de plus de 3000 ans. Boğazköy-Hattuşa était la capitale de l’empire hittite d’environ 1 600 jusqu’à environ 1 200 avant notre ère. C’est un trésor archéologique qui continue de livrer des secrets enfouis depuis des millénaires. Les fouilles annuelles sur ce site ont permis de déterrer près de 30 000 tablettes en cunéiforme. Elles offrent un aperçu précieux de la vie quotidienne, de la politique, de l’économie et des croyances religieuses de la civilisation hittite.
Site des fouilles, à Boğazköy-Hattuşa. Andreas Schachner / Deutsches Archäologisches Institut
Ces tablettes, majoritairement rédigées en hittite, témoignent de la richesse linguistique et culturelle de l’empire. Le hittite, reconnu comme la plus ancienne langue indo-européenne attestée, était la lingua franca de l’empire. Elle était utilisée pour la documentation officielle, les traités internationaux et les textes religieux. Mais quelques tablettes contiennent des mots d’autres langues, dont une langue jusqu’alors inconnue.
La tablette d’argile était l’une des nombreuses tablettes envoyées en Allemagne pour être analysées par Daniel Schwemer, professeur à l’Université de Würzburg. À partir de l’introduction hittite de cette dernière, il a identifié la langue de Kalašma. C’est une région située à la limite nord-ouest du cœur hittite, près de la ville turque moderne de Bolu.
La porte des Lions de Hattusa, la capitale de l’empire hittite. Elena Sergejeva/Getty Images
La tablette en question se distingue non seulement par son âge, mais aussi par son contenu unique. La présence de cette langue inédite suggère des interactions culturelles et linguistiques beaucoup plus diversifiées au sein de l’empire hittite. Cette découverte interroge sur les peuples parlant cette langue, leurs relations avec les Hittites et l’impact de ces interactions sur la dynamique culturelle de la région.
La « re » découverte d’une langue oubliée, la Kalašma
L’analyse complexe de la langue de Kalašma implique une collaboration internationale de linguistes et spécialistes des langues anciennes. La première étape cruciale dans l’identification de cette langue a été l’analyse de l’introduction de la tablette, écrite en hittite. Cette introduction a servi de clé pour déverrouiller le reste du texte, révélant ainsi la présence de la langue de Kalašma.
La méthode d’analyse a combiné des techniques épigraphiques traditionnelles avec des approches linguistiques modernes. Les chercheurs ont d’abord transcrit le texte en caractères latins, un processus nécessitant une compréhension approfondie des systèmes d’écriture anciens. Une fois cette transcription réalisée, l’équipe a commencé à analyser la structure linguistique du texte. Ils se sont concentrés sur la syntaxe, le vocabulaire et la morphologie.
Les chercheurs ont pu identifier des similitudes entre la langue de Kalašma et d’autres langues indo-européennes, notamment le louvite. Ces similitudes portent sur les terminaisons des mots, la construction des phrases et la conjugaison des verbes. Cependant, malgré ces similitudes, la langue de Kalašma présente des caractéristiques distinctes. C’est une branche jusqu’alors inconnue de la famille des langues indo-européennes anatoliennes.
Implications historiques et culturelles de la langue de Kalašma
La découverte de la langue de Kalašma dans l’ancien empire hittite ouvre une fenêtre sur la diversité linguistique et culturelle de l’Anatolie à l’âge du bronze tardif. Cette trouvaille met en lumière la coexistence de multiples langues et traditions culturelles au sein d’un même territoire. Elle souligne également l’intérêt des Hittites pour les langues et les rituels étrangers. Les Hittites, connus pour leur empire multiculturel, intégraient souvent des éléments de cultures conquises dans leur propre société.
Cette stratégie d’assimilation culturelle témoigne d’une compréhension et d’un respect des diversités au sein de leur empire multiculturel. Les Hittites avaient une approche tolérante et inclusive. En adoptant et en adaptant les traditions des peuples conquis, les Hittites ont favorisé un sentiment d’unité et de cohésion au sein de leur empire. Cette intégration des diverses traditions a probablement joué un rôle clé dans leur stabilité et longévité.
De plus, cette découverte suggère une forme de syncrétisme, où différentes croyances et pratiques étaient fusionnées. La société hittite semblait donc ouverte à l’influence extérieure et flexible dans ses croyances. C’est une caractéristique qui pourrait avoir contribué à la diplomatie et aux relations internationales de l’empire.
Enfin, sur le plan historique, la langue de Kalašma éclaire les dynamiques linguistiques et culturelles de l’Anatolie à cette époque. Elle remet en question les perspectives antérieures sur la monolithie culturelle et linguistique de la région. Cela ouvre de nouvelles voies de recherche pour les historiens et les linguistes. Ils peuvent désormais explorer plus en profondeur les interactions entre les différentes cultures et langues de l’Anatolie ancienne.
Source : sites Internet