Picasso et l’Algérie


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Bien des peintres ont visité l’Algérie, comme certains l’ont peinte, et d’autres sont venus carrément l’habiter. Picasso, contrairement aux autres, avait un petit quelque chose avec notre pays. C’est assez vague mais cela se ressent, un brin de passion peut-être, pas très visible pour ceux qui ne sont pas attentifs aux mystères, mais qui a existé tout de même. Avant tout, le fait qu’il ait peint le tableau « Les femmes d’Alger » en est la première preuve. C’est vrai que c’est une reprise sur Delacroix mais il l’avait exécuté quand même. Puis est venu le portrait de Djamila Boupacha (héroïne de la guerre d’indépendance), qu’il avait réalisé avec brio. Mais bien avant cela, ce même peintre avait bien eu un froufrou avec quelque chose qui nous appartient.  Le hasard ? Peut-être. Il se trouve que Baya (notre peintre nationale), avait eu son atelier à la rue Vallauris, où Picasso lui-même en tenait un. D’ailleurs c’est grâce à Picasso, et à son atelier où débarquait un critique, que Baya fut révélée au grand jour, et au monde. Trois heureuses rencontres entre Picasso et l’Algérie, qui sont sans doute un produit du hasard, mais qui révèlent un curieux désintéressement voué par cet homme pour l’Algérie  et nous autres. Des signes comme on dit chez nous. Trois petits grands signes ! En fait, celui qui a révélé notre Baya était André Breton, le père du surréalisme, et ce dernier la considérait comme une reine, une reine qui n’avait alors que seize ans. Ce destin qui est entré soudainement chez elle par effraction, l’avait mise sous les feux de la rampe, et c’est comme cela qu’elle commença à être reçue par le grand monde de la mode et l’art. Cela lui avait permis même de poser pour le fameux magazine Vogue.  La légende dit aussi que c’est le collectionneur et galeriste français Aimé Maeght qui la fit découvrir à Alger, quand celle-ci travaillait encore à la gouache et aux couleurs vives. Baya, d’ailleurs n’avait pas connu que Picasso, elle avait côtoyé  toute l’élite française, et en particulier Matisse, cet autre peintre de génie, avec qui elle collabora dans le mythique studio de poterie Madura à Vallauris. Il se trouve aussi que pas mal d’initiés ignorent que c’est cette même Baya qui a inspiré Picasso à peindre une collection intitulée « Women of Algeria ». Voila l’histoire et les incidences qu’avait eues Picasso avec nous, c’est-à-dire avec une peintre de chez nous et qui avait sans doute influencé considérablement son art. Picasso fort séduit – chose qu’il ne cachait pas d’ailleurs –, l’invita à travailler avec lui en 1948.

Baya serait-elle l’artiste qui a donné à Picasso une certaine direction picturale ?  De toutes les façons, et quoiqu’il en fût, l’influence de la jeune Mahyeddine sur Picasso est évidente. Son influence se fait sentir dans plusieurs de ses œuvres. Selon Sotheby’s, «Picasso nourrissait l’esthétique de Baya, en particulier son utilisation de la couleur et de la ligne, tandis que la vitalité culturelle de Baya servait de source de créativité pour Picasso ». Par contre, je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi André Breton avait défini son travail comme surréaliste, alors que son art est défini comme art naïf. D’ailleurs, Sana Makhoul a ratissé large en allant plus loin. Elle se demande, dans un document de recherche sur Baya : « Pourquoi devons-nous définir et catégoriser les œuvres issues de cultures non occidentales en leur imposant des définitions et une terminologie occidentales? ». C’est tout dit.


abdallah ouldamer


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