Maures (Antiquité) : Mauri, Maurēnsii, Maurousii


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À l’époque de César, mais probablement d’après Timée (vers 300 av. J.-C.), Diodore de Sicile (XIII, 80, 3) évoque des Maurousii à propos d’événements de la fin du Ve siècle avant notre ère. Polybe (III, 33, 15), situe ce peuple, au temps d’Hannibal, près de l’Océan et le compte parmi les « Nomades » (ici l’équivalent grec de Numides). De même Tite-Live (XXIV, 49, 5), dans un passage qui concerne d’autres faits, qualifie les Maurusii (forme de l’ethnique qui dénonce une source grecque) de Numides et les localise près de l’Océan, en face de Gadès (Cadix). Par la suite, les sources classiques distingueront entre Maures et Numides, mais on observera des confusions à toutes les époques (cf. St. Gsell, p. 94, n. 4).


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2La forme latine Mauri n’apparaît que plus tard, dans la Guerre de Jugurtha de Salluste et la Guerre d’Afrique du corpus césarien. On sera tenté d’en déduire que ce furent sans doute les auteurs grecs de Sicile (par l’intermédiaire de Carthage) qui connurent les premiers l’existence des Maurousii riverains de l’Océan. Mais, selon Strabon (XVII, 3, 2), la forme de l’ethnonyme en usage chez les Romains, Mauri, était celle des indigènes. On peut dès lors admettre que la forme grecque comporte un suffixe *-ousios que l’on observe dans d’autres ethnonymes, notamment en Maurétanie césarienne, chez Ptolémée (Géogr. IV, 2, 5, Müller, p. 602-604). Au reste, ce dernier utilise, pour nommer une tribu de Tingitane (IV, 1, 5, p. 587), les Maurēnsii, à partir du même radical : *Maur-, un autre suffixe : *-ēnsii. Il est par ailleurs remarquable que la forme grecque, transcrite en latin, de l’ethnonyme, Maurusius, se soit maintenue dans l’Afrique de langue latine comme surnom (CIL, VIII, 1863, 8501 etc.). D’autre part, on rapprochera du nom des Maurēnsii le surnom Maurentius/Maurintius (CIL, III, 2043, 11291, 14524 ; VIII, 15750).


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3Au sens restreint, les Mauri furent d’abord, à en croire Pline l’Ancien (V, 17), une tribu de Tingitane bien définie, jadis la plus importante, mais, du temps du Naturaliste, diminuée par les guerres et réduite à quelques clans (familiae). Toujours selon Pline, des tribus gétules occupaient une partie de leur ancien territoire. De son côté, Ptolémée (IV, 1, 5) fixe les Maurēnsii dans la partie orientale de la Tingitane, donc à l’ouest de la Malua, mais non loin de cet oued.


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4Mais si la tribu des Maures, au sens strict, semble avoir périclité au moins dès le début de notre ère, on observe très tôt, çà et là, un emploi élargi du terme Maurus. Ainsi la Guerre d’Afrique (III, 1 ; VI, 3, etc.) appelle Mauri des cavaliers, en fait probablement numides, mais qui ont dû former de bonne heure comme un corps de tradition (cf. les « turcos » de l’armée française), et Horace (Odes, II, 6, 3-4), un poète il est vrai, qualifie de Maura l’eau des Syrtes. On doit invoquer, avant tout, des facteurs historiques : l’extension de l’ethnonyme Maurus vers l’est a été solidaire de l’expansion du (ou des) royaume(s) maure(s) au-delà de la Muluccha (nom grec de l'actuelle Moulouya, dont Malua semble être le nom latin) à partir de la fin de la guerre de Jugurtha, et plus encore de la constitution d’une province de Maurétanie césarienne s’étendant à l’est jusqu’à l’oued el-Kebir du Constantinois, cf. Maurétanie, royaume* et Maurétanie, provinces*.


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5Un autre facteur, fortuit mais non négligeable, a contribué à cette extension, mais plutôt en direction du sud et du sud-est. De même que les Numides se sont vu conférer abusivement une sorte d’excellence dans le nomadisme en raison de l’assimilation par les Grecs de leur nom avec le terme qui désignait chez eux les bergers conduisant leurs troupeaux d’un pâturage à un autre, à savoir nomades, de même l’ethnonyme transcrit en grec « Mauros » a été souvent assimilé à un adjectif grec mauros (plus anciennement amauros), signifiant « sombre », « opaque », puis « noir ». On observera d’ailleurs qu’en 484, il y avait en Maurétanie césarienne à la fois un évêché Amaurensis et un évêché Maurensis (Notitia prouinciarum, Maur. Caes., 35 et 122, Lancel : 265 et 269). Nous sommes assuré que cette étymologie populaire, déjà signalée par St. Gsell (p. 89), était répandue dès le début du principat de Tibère, puisque Manilius (Astr., IV, 729-730) écrivait alors : et Mauretania nomen | oris habet titulumque suo fert ipsa colore (« La Maurétanie tient son nom de son visage et affiche elle-même son identité par sa couleur »). Deux générations plus tard, Silius Italicus (Pun. II, 439) qualifie les Mauri de nigri, et, au IVe siècle de notre ère, Ausone (Par. 5, 3-6) explique le surnom Maura de sa grand-mère, Corinthia, par le fait que les compagnes de celle-ci avaient voulu souligner sa carnation sombre (fusca). Ainsi on en vint à désigner du nom de Maures toutes les populations établies dans le Sud du futur Maghreb, en général plus hâlées ou de carnation plus sombre que celles des abords de la Méditerranée, et l’on parla moins de Gétules et d’Éthiopiens (J. Desanges : 210-211).
                             
La vraie Histoire Des Maures (Ça Vient Du Maroc- Al Maghrib:flag_ma:)



       
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Bibliographie
Desanges J., 1995 – « Libyens noirs ou Libyens noircis ? », L’Homme méditerranéen. Mélanges offerts à Gabriel Camps, Aix-en-Provence, p. 209-215.
 
Gsell St., 1927 – Histoire ancienne de l’Afrique du Nord, V, Paris.
 
Lancel S., 2002 – Histoire des persécutions vandales en Afrique. La passion des sept martyrs. Registre des provinces et des cités d’Afrique, Paris, Les Belles Lettres, éd. de Victor de Vita.
 
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Pour citer cet article
Référence papier
J. Desanges, « Maures (Antiquité) : Mauri, Maurēnsii, Maurousii », Encyclopédie berbère, 31 | 2010, 4710-4712.
 
Référence électronique
J. Desanges, « Maures (Antiquité) : Mauri, Maurēnsii, Maurousii », Encyclopédie berbère [En ligne], 31 | 2010, document M68a, mis en ligne le 06 octobre 2020, consulté le 18 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/516 ; DOI : https://doi.org/10.4000/encyclopedieberbere.516
 
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Auteur
J. Desanges
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