Amazighs de Libye : un paramètre méconnu, une irruption politique -inattendue-2


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Les amazighs dans la dynamique révolutionnaire
15L’ensemble des observations qui suivent ont été faites à l’occasion de deux séjours d’une dizaine de jours chacun, effectués en milieu berbérophone en juillet et en octobre 2011 par Masin Ferkal en Libye (Djebel Nefoussa et Zouara, Tripoli) et en Tunisie dans les camps de réfugiés libyens, notamment à Djerba. Les contacts avec les acteurs et responsables berbères, politiques et militaires, ont été poursuivis depuis et ont permis de rassembler une importante documentation émanant de la militance berbère. Les pièces politiquement les plus importantes sont fournies en annexe. S’agissant d’une actualité « chaude », on manque évidemment de recul pour évaluer précisément le poids réel, politique et militaire, de la « poussée berbère », d’autant, comme on l’a mentionné précédemment, que la question n’était absolument pas documentée antérieurement. Il est donc difficile pour l’heure de proposer une analyse sociopolitique fouillée de cette irruption berbère. Néanmoins, de tous les éléments observés, il ressort que l’on à affaire en Libye à une berbérité affichée et expressément revendiquée.
16Dès février 2011, lorsque les amazighs du Djebel Nefoussa et de Zouara se sont joints à l’insurrection, la quasi-totalité des déclarations officielles des groupes locaux d’insurgés ont été faites en berbère ou ont été traduites de manière simultanée de l’arabe. Les édifices publics symbolisant Kadhafi et son régime furent saccagés, des panneaux en tifinagh et des equation im2(Z, deuxième consonne et médiane du mot « amazigh » noté selon la norme traditionnelle consonantique de l’écriture berbère : M Z Gh), symbole identitaire universellement adopté par la militance berbère) sont apparus sur les murs des villes et villages.
17Lorsque la population prit les armes pour faire face aux troupes kadhafistes, les véhicules utilisés par les combattants du Djebel Nefoussa portaient tous des inscriptions en tifinagh. Des autocollants imprimés, apposés notamment sur les portières des véhicules, portaient la mention Igrawliyen n Adrar n Infusen (« Révolutionnaires du Djebel Nefoussa ») en tamazight [36]


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Tamazight est le nom berbère de la langue berbère (voir note… transcrit en caractères tifinagh, avec l’équivalent en arabe placé en dessous.
18Dès les tout premiers moments de la révolte, de nombreux jeunes ont confectionné des tee-shirts portant la lettre tifinagh. On pouvait d’ailleurs l’observer dans la quasi-totalité des reportages réalisés sur place par les télévisions étrangères, notamment Al Jazeera : les combattants portaient des tee-shirts et/ou des casquettes avec des symboles amazighs, certains la lettre equation im3, d’autres des drapeaux amazighs sur le dos, d’autres divers textes en tifinagh.
19Lorsque les troupes kadhafistes furent repoussées des villes et villages du Djebel Nefoussa et que la population eut pris le contrôle du territoire, elle mit en place diverses institutions et organisations provisoires. L’expression en langue amazighe s’y est immédiatement imposée. Les Conseils locaux de transition ont fait du tamazight l’une de leurs langues de travail. Leurs logos et chartes graphiques portaient systématiquement des mentions en alphabet tifinagh. L’ensemble des documents officiels sont rédigés en tamazight et en arabe. Sur le centre de commandement militaire d’Ifrane, dès juillet 2011, un drapeau amazigh flottait aux côtés du nouveau drapeau libyen. Immédiatement après la libération de la ville, un bâtiment fut utilisé pour accueillir le Centre d’information d’At-Yefren, qui en plus de son rôle propre, abrite diverses associations de la société civile : toutes ont le tamazight au centre de leurs activités (enseignement de la langue, promotion de l’art, travail sur la toponymie, etc.). Les langues de travail du Centre d’information comme de ces associations sont conjointement le berbère et l’arabe. Leurs documents sont systématiquement écrits dans les deux langues, avec parfois l’anglais comme troisième langue. Le tamazight est toujours placé en première position.


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20Les lieux publics sont nommés en premier en berbère. C’est le cas, toujours à Ifrane, de cet espace nommé Taddart n Tlelli (« Maison de la Liberté »), un ancien bâtiment officiel que le régime de Kadhafi utilisait pour sa propagande. Dans nombre de villes comme Jadu, Ifrane ou Kabaw, des associations enseignent régulièrement depuis le printemps 2011 le tamazight aux enfants. À At-Willul (Zouara), le même constat peut être fait : la langue berbère est présente sur nombre d’enseignes dans les espaces publics. Dans les bureaux du Commandement militaire d’At-Willul, la langue de communication était le berbère ; les échanges entre le Commandant et les autres militaires se déroulaient entièrement en amazigh.


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Amazighitè et langue tamazight: une affirmation très explicite
21Le drapeau berbère (frappé du equation im4 en son centre) est apparu dans les années 1970 dans les milieux militants berbéristes kabyles ; il devient un symbole commun de toute la militance berbère après la réunion de 1997 du Congrès mondial amazigh (Tafira, Canaries). En Libye, ce drapeau apparaît très rapidement pendant la guerre puis se répand après la libération : on le trouve partout, y compris à Tripoli où il est vendu par les jeunes qui tiennent des petites tables de souvenirs sur la Place des Martyrs. Il est mis sur les toits des maisons, dans les rues, souvent à côté du drapeau de l’indépendance ; des commerçants mettent la devanture de leur magasin aux couleurs du drapeau amazigh, d’autres l’accrochent à l’intérieur de leur magasin. On peut voir dans cet affichage très ostentatoire un signe de l’enracinement du sentiment identitaire au sein des populations berbères ; ce drapeau, pour ses créateurs comme pour ses utilisateurs, est le symbole de Tamazgha, « l’amazigh», et du caractère fondamentalement  amazigh de l’Afrique du Nord.
22La référence à la langue tamazight a été elle aussi, dès le début de l’insurrection, tout à fait explicite. Lors des moments les plus difficiles, au printemps 2011, sous le feu des forces kadhafistes, le berbère a été utilisé et revendiqué aussi bien parmi les combattants en Libye que parmi les nombreux réfugiés en Tunisie. Dès les premières vagues d’arrivants en Tunisie, sont apparus dans les camps de réfugiés des drapeaux amazighs et/ou des drapeaux libyens dont l’étoile était remplacée par le fameux equation im5. Beaucoup de militants berbères réfléchissaient déjà dans ces bases de repli à l’avenir de la Libye et du tamazight. Nombre d’entre eux étaient originaires de Zouara. Leur activité principale était la publication du journal bilingue (tamazight et arabe) Tagrawla (« Révolution »). Parmi eux, un groupe travaillait à l’enseignement du tamazight et confectionnait des manuels d’apprentissage, notamment pour les enfants.


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23Dans les régions amazighs aussi, très vite, des publications ont vu le jour. La plupart sont bilingues, tamazight/arabe ; certaines sont en arabe uniquement, mais leurs noms sont toujours berbères et systématiquement écrits en tifinagh. Parmi ces publications, signalons : Tilelli (« Liberté »), Tagrawla (« Révolution »), Tamellult (« Blanche »), Ussan nnegh (« Nos jours »), Iderfan (« Hommes libres »), Tifawin n Ifran (« Les lumières d’Ifrane »), Izerfan (« Les droits »).
24L’amazigh s’est aussi imposé rapidement dans les grands médias : presque immédiatement après son lancement (avril 2011) à Doha (Qatar), Libya TV, chaîne des insurgés, a introduit un journal (Ineghmisen) en tamazight. Les interventions qui sont faites en arabe lors de ce journal amazigh sont systématiquement doublées en tamazight (en traduction simultanée). Très vite, d’autres programmes berbères, dont un est consacré à l’initiation au tamazight, ont été introduits sur cette chaîne de télévision. Le 15 septembre, à l’occasion de la conférence sur la Libye qui a eu lieu à Paris, la couverture en direct de l’événement sur cette chaîne a été assurée en tamazight.


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Le projet de Constitution provisoire : le début des tensions
25Pour tous les combattants et militants rencontrés, le tamazight s’impose comme une évidence et tous attendaient qu’un statut lui soit reconnu dans la nouvelle constitution. Très tôt, l’ensemble des associations et organisations civiles des régions berbères ont demandé la reconnaissance du tamazight comme l’une des langues officielles du pays, ainsi qu’en témoignent le document intitulé « La Libye de demain » rédigé par le Mouvement culturel amazigh du Djebel Nefoussa (annexe i), le communiqué des organisations civiles du Djebel Nefoussa daté du 18 août 2011 (annexe ii) qui conteste le projet de déclaration constitutionnelle du Conseil national de transition, ou encore le communiqué du Congrès national amazigh libyen, réuni le 26 septembre à Tripoli, qui rejette catégoriquement l’article relatif à la langue officielle du projet constitutionnel et écarte toute négociation sur la question de l’officialisation du tamazight (annexe iii). La version de l’hymne national libyen en tamazight, entonnée sur la Place des Martyrs par des dizaines de milliers de manifestants, est venue confirmer cette détermination des Berbères à donner à leur langue et à leur identité leur place dans la nouvelle Libye. Pour tous ces acteurs berbères, la « Révolution » est intimement liée au tamazight et ils n’imaginent pas la Libye nouvelle sans le tamazight.


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26Après la mort de Kadhafi, Mustapha Abdeljalil, président du Conseil national de transition (CNT), proclame le 23 octobre 2011 à Benghazi la libération totale du pays ; il annonce que la charia sera la source principale de la législation et ne fait aucune référence à la berbérité de la Libye ni à la place de la langue berbère. On notera qu’à partir du mois d’août 2011, les interventions publiques des responsables du CNT ou de l’exécutif se faisaient avec, en arrière-fond, la mention du Conseil national de transition écrite en arabe et en berbère (en caractères tifinagh). Après le 23 octobre, signe net d’une évolution de la position du CNT, la version berbère disparaît de toutes les annonces officielles.





27En fait, l’existence de lignes distinctes sur ce sujet au sein du CNT était perceptible dès le mois d’août 2011 puisque certaines personnalités avaient déjà pris des positions publiques explicites contre le berbère et la berbérité, à l’instar de Fathi Terbil, futur ministre de la Jeunesse et des sports du gouvernement provisoire, qui accusait les Berbères « d’être une menace pour l’arabité de la Libye, travaillant au profit de puissances extérieures occultes contre les intérêts de la nation arabe libyenne, qu’il convient de combattre ». Le 15 décembre 2011, devenu ministre, il confirme à Benghazi son hostilité à toute consécration de la langue tamazight en tant que langue officielle [37]
Les déclarations de F. Terbil, largement relayées par Imazighen…. Cette ligne s’est imposée dans le projet de constitution provisoire.
28Le 1er novembre 2011, à l’occasion de la rencontre Imuhagh (Touaregs) organisée par le conseil local de transition de la ville d’Oubari, le président du Congrès national amazigh libyen, le Dr Fethi Bouzakhar, dénonce la politique de mépris à l’égard des Imazighen adoptée par le CNT. Il met en garde ce dernier quant à son attitude qui risque de conduire au boycott du gouvernement libyen par les Imazighen.
29Au lendemain de l’annonce de la constitution du gouvernement provisoire, le 22 novembre 2011, des milliers de Berbères manifestent dans les rues aussi bien à Tripoli qu’à travers la quasi-totalité des villes et villages berbères, y compris en pays touareg (Oubari, Ghat), pour exprimer leur mécontentement de voir la composante amazighe exclue de ce gouvernement.
30Le conseil local de Zouara, réuni en session extraordinaire le 23 novembre, annonce dans une déclaration publique le gel de sa collaboration avec le CNT et le nouveau gouvernement et appelle la population à manifester de manière pacifique.
31Le même jour, le Congrès national amazigh libyen fait lui aussi part de son désaccord quant à la composition du gouvernement provisoire. Il annonce « la non-reconnaissance et le boycott du gouvernement d’Abdel Rahim al-Kib, illégitime et contraire à ses propres déclarations ». Il tient pour « responsables devant l’Histoire, le CNT et M. Abdel Rahim al-Kib, quant aux conséquences que pourrait causer cette marginalisation qui vise les Amazighs » (voir annexe iv).
32S’en est suivie une importante mobilisation visant à dénoncer la politique d’exclusion des Berbères par le CNT et son gouvernement [38]
C’est Tripoli qui a connu la mobilisation la plus forte – ce…. Les slogans des manifestants étaient très sévères à l’égard des autorités provisoires, souvent comparées au régime déchu.
33L’intervention téléphonique, sur une télévision libyenne, de Mustapha Abdeldjalil accusant les manifestants imazighen de travailler pour des intérêts étrangers a fait monter d’un cran la tension et colère des Berbères qui n’ont pas hésité à comparer Abdeljalil à Kadhafi.
34La protestation a été particulièrement forte dans l’ensemble Nefoussa-Zouara et dans les villes de Tripolitaine comptant une importante diaspora berbère, notamment Tripoli, mais elle a aussi été bien réelle en région touarègue (Ghat, Oubari), où ont eu lieu plusieurs manifestations significatives. Ce point mérite d’être relevé car il indique que la réaction est assez homogène chez tous les Berbères libyens et qu’il n’y a pas de rupture entre Berbères du Nord et Touaregs [39]
Ce point demandera des recherches complémentaires, mais il…, qui du reste étaient bien représentés lors de la réunion du Congrès national amazigh libyen tenu le 26 septembre 2011 à Tripoli.
35Lorsque, le 9 décembre 2011, le CNT organise une conférence pour la réconciliation nationale, à laquelle sont invitées des personnalités religieuses musulmanes, notamment du Caire et de Tunisie, alors que les représentants des Berbères n’ont pas été conviés, le président du Congrès national amazigh libyen, Fethi Bouzakhar, adresse une lettre à la rencontre, dans laquelle il écrit :
« Il y a un droit inaliénable auquel nous ne pouvons, en tant qu’Amazighs, renoncer. Il s’agit de la constitutionnalisation de la langue amazighe, seul garante de sa protection. Il n’est pas possible de faire une quelconque concession sur tamazight sous prétexte qu’elle n’est pas la langue du Coran ou que le moment n’est pas propice pour soulever le droit de la langue au nom de la réconciliation nationale. L’absence de la langue amazighe dans la constitution signifie le refus de la réconciliation avec les Amazighs [40]
Plus de détails sur le texte de cette lettre sont consultables… ».
37Ainsi, les organisations berbères de Libye ont multiplié depuis l’été 2011 les démonstrations et interventions publiques et médiatiques pour faire entendre leur voix et dire leur attachement à leur langue. Le débat qui se noue autour de la constitution est donc d’ores et déjà houleux ; il pourrait être source de sérieuses tensions entre les Berbères et les autorités centrales car le CNT est largement dominé par les arabophones et les courants islamistes. On constate, sans grande surprise, que les références idéologiques islamistes sont, chez les principaux acteurs du CNT, étroitement associées à l’arabisme – qui n’était donc pas, loin s’en faut, une« spécificité kadhafienne ». En fait, on retrouve sur cette question une donnée lourde du champ idéologique maghrébin : le lien étroit entre islamité et arabité, porté à son paroxysme chez Kadhafi, mais aussi présent dans la plupart des sensibilités arabistes/islamistes et qui fonde, au moins pour l’Afrique du Nord, une famille idéologique arabo-islamiste, même si ses facettes sont multiples et peuvent parfois être antagoniques au plan politique [41]
Ce lien idéologique étroit entre islamisme et arabisme, en….
38La volonté « démocratique » des anti-kadhafistes libyens ira-t-elle jusqu’à accepter de reconnaître la diversité linguistique et culturelle du pays ? Pour l’instant, le fossé semble profond entre les organisations berbères rassemblées dans le Conseil national amazigh libyen d’une part, et le CNT et le gouvernement intérimaire d’autre part. Sans une ouverture de la part du CNT vis-à-vis de la dimension berbère et des Berbères, la cristallisation du conflit paraît inévitable. Un des rares paramètres permettant d’envisager une évolution non conflictuelle est celui de l’environnement politique régional, tunisien mais surtout algérien et marocain : alors que les deux principaux pays berbérophones ont reconnu dans leur constitution le berbère comme langue nationale (l’Algérie en 2002) ou officielle (le Maroc en 2011), les autorités libyennes se mettraient sans doute en mauvaise posture, interne et externe, si elles s’obstinaient à maintenir leur refus de toute reconnaissance du Amazigh
Annexes [42]
Les traductions sont celles de <Tamazgha.fr>.
Annexe I
Mouvement culturel amazigh à Adrar n Infusen, « Comment le mouvement amazigh libyen voit la Libye de demain », 12 août 2011
39Le moment est venu pour construire le nouvel État libyen moderne et libre. La conscience intellectuelle qui aspire à la démocratie et au respect de la diversité doit émaner des valeurs humaines universelles comme la reconnaissance et le respect de l’autre, le dialogue et la tolérance afin que nous puissions construire une entente nationale et travailler pour l’intérêt de tous.
40Afin de construire prochainement un État démocratique qui respecte la liberté, la dignité et l’égalité, nous pensons que le respect des droits de l’homme est incontournable. Afin de contribuer au débat sur la réalisation de ce projet, nous proposons notre conception concernant la prochaine constitution d’un nouvel État libyen démocratique, unifié et libre.
411. La langue amazighe en tant que patrimoine de tous les Libyens sans exception, et la langue arabe, sont les deux langues officielles de la Libye. Elles jouissent des mêmes droits et des mêmes privilèges quant à leur utilisation au niveau de toutes les institutions de l’État. L’État travaillera à protéger [la langue amazighe], à la perfectionner et à assurer son utilisation dans tous les domaines. L’État veillera aussi à enseigner les langues étrangères les plus utilisées dans le monde afin d’accéder à la science et à la modernité, de s’ouvrir sur les autres cultures et civilisations.
422. Après la libération et la stabilisation de la Libye, les symboles de l’État doivent être conformes aux dimensions identitaire, historique, culturelle et intellectuelle de la Libye.
433. La Libye est un État laïque, démocratique et souverain, avec un régime constitutionnel et parlementaire basé sur la séparation souple et équilibrée des pouvoirs (législatif, judiciaire et exécutif) et la décentralisation.
444. Il est interdit de constituer des partis politiques sur une base religieuse, régionale, ethnique ou tribale et, de manière générale, sur toute autre base discriminatoire ou contraire aux droits de l’homme tels que reconnus universellement ;
455. Garantir l’égalité des libertés et des droits politiques, civiques, économiques, sociaux et culturels pour tous les Libyens (hommes et femmes). L’État veillera à garantir et à protéger l’égalité des chances et le droit à la vie comme premier droit de tout être humain. Donner et garantir les mêmes chances aux personnalités, coalitions et courants politiques afin d’exprimer librement leurs idées et conceptions dans le cadre d’un dialogue serein, pacifique, démocratique et conforme à la loi aussi bien au niveau des droits que des devoirs.
466. Garantir la liberté d’existence sous toutes ses formes – intellectuelle, d’opinion, expressive – à travers toutes les formes de création, de diffusion et d’édition.
 
Annexe II
Communiqué des organisations de la société civile d’Adrar n Infusen réunies à Ifrane le 18 août 2011
47Étant donné que tamazight n’a pas été imposée après une quelconque conquête, colonisation ou un quelconque brassage culturel, elle est une langue nationale qui n’a pas besoin de la reconnaissance de qui que ce soit. Tamazight est la langue nationale des peuples de l’Afrique du Nord. Le peuple amazigh qui vit sur cette terre depuis des temps immémoriaux en fait usage depuis toujours.
48Les recherches historiques et anthropologiques ainsi que les traditions toujours observées de nos jours prouvent ces réalités.
49La constitutionnalisation de tamazight en tant que langue, culture, identité et civilisation est une revendication fondamentale de la mouvance amazighe en Libye. Elle le restera. Le mouvement amazigh n’admettra pas sa remise « aux calendes grecques ». Le mouvement amazigh exige également l’intégration de tamazight dans toutes les institutions publiques ainsi que dans la vie quotidienne en tant que l’un des fondements de l’identité nationale. Tamazight est une responsabilité nationale et un bien commun de tous les Libyens sans exception. Seule son inscription dans la constitution garantira sa protection.
Annexe III
Communiqué du Congrès national amazigh libyen, réuni le 26 septembre 2011 à Tripoli
50S’inspirant de la lutte de nos parents et de nos ancêtres amazighs à travers l’histoire pour la liberté et la dignité,
51pour rendre hommage à leurs héroïques batailles qui ont marqué l’histoire ancienne et moderne de la Libye,
52afin de rappeler l’histoire des Imazighen à tous ceux qui oublient les réalités historiques et géographiques,
53dans la perspective de dépoussiérer l’histoire profonde de la Libye, et dans le but de reconstruire le présent et le futur de notre pays sur des bases démocratiques et justes qui rejettent les discriminations, la marginalisation et le racisme,
54le premier Congrès national amazigh qui s’est tenu le 26 septembre 2011 à Tripoli déclare ce qui suit :
Il rejette l’article 1 de la déclaration constitutionnelle provisoire publiée le 3 août 2011 par le CNT. Il considère cet article comme discriminatoire et allant à l’encontre de la réalité linguistique, culturelle et sociale de la Libye. Cet article est en nette contradiction avec les bases de formation d’États démocratiques, civils, pluriels, modernes et justes. Il est ainsi en contradiction avec les principes de base des droits de l’homme et des traités internationaux.
Affirme que la langue amazighe avec ses différentes variantes est une seule langue. Celle-ci a beaucoup souffert de marginalisation, de reniement et d’injustice sous la dictature de Kadhafi. Compte tenu que le Congrès n’acceptera pas qu’elle soit encore victime d’injustice après la Révolution du 17 février pour la justice et l’égalité, il exige que la langue amazighe soit considérée comme langue officielle (avec l’arabe) de l’État de Libye que les Imazighen veulent démocratique et juste.
Les sacrifices des Imazighen pour la gloire et l’honneur de la Libye n’ont jamais cessé depuis les temps immémoriaux. Leur participation à faire chuter le régime du dictateur Kadhaf i a été primordiale et décisive. Le front ouest n’aurait pas résisté longtemps aux assauts des troupes fidèles à Kadhafi sans la contribution conséquente des Imazighen sur les plans militaire, humain et médiatique. Cette vérité historique ne peut être niée. Nos courageux révolutionnaires amazighs combattent et se sacrifient encore et tous les jours pour libérer le sud libyen, Ourfella, Syrte et toutes les parties non encore libérées de la Libye.
L’annonce par le président du Conseil exécutif du CNT de la formation d’un gouvernement provisoire de transition avant la libération totale du pays constitue une violation flagrante de l’article 30 de la déclaration constitutionnelle provisoire du CNT. La composition de ce gouvernement est discriminatoire en ce qu’elle exclut complètement les Imazighen qui ont longtemps souffert de la marginalisation politique et administrative sous l’ancien régime dictatorial. Nous déclarons notre rejet complet et définitif de toute formation gouvernementale ou ministérielle fondée sur des bases régionalistes ou tribales détestables et qui exclut le droit des Imazighen à toute participation politique dans la fondation de leur État, la Libye.
Appelle le CNT et son Conseil exécutif à prendre leurs responsabilités historiques quant aux effets que pourraient engendrer les comportements visant à marginaliser les Imazighen en les privant de leurs droits politiques, économiques, sociaux, culturels et linguistiques.
Rappelle au CNT et à son Conseil exécutif qu’ils doivent respecter les droits de l’homme et la diversité politique et linguistique. Nous refusons toutes leurs déclarations politiques à visées tribales et racistes. Le congrès rappelle aussi que le tribalisme et le racisme étaient des caractéristiques de l’ancien régime que les Imazighen ont contribué à abattre.
Affirme que le militantisme amazigh noble, juste et légal continuera par tous les moyens possibles jusqu’à ce que les Imazighen de Libye obtiennent tous leurs droits politiques, économiques et sociaux. Ces droits sont fondamentaux et aucune communauté ne peut être exclue pour des raisons démographiques.
Affirme que l’époque de la privation des Imazighen de leurs droits politiques, économiques et sociaux est révolue. La nouvelle Libye doit être bâtie sur les principes de citoyenneté et de partenariat national juste sans aucune discrimination due à l’origine ethnique, au sexe, à la langue ou à la religion.
9. Considère le communiqué rendu public par le comité préparatoire à Jadou à Adrar n Infusen le 6 septembre 2011 comme faisant partie de cette déclaration.
Déclare que ce congrès est transformé en un cadre global regroupant et représentant tous les Imazighen de Libye. Il appelle les forces nationales à y prendre part et à prendre leur responsabilité historique d’autant plus que la Libye traverse une période très sensible, et ce pour l’intérêt national. Le congrès a chargé son comité préparatoire de rédiger son règlement intérieur.
Ce communiqué est considéré comme une référence politique, juridique et historique. Les revendications qui y sont exprimées font l’unanimité au sein de l’ensemble des Imazighen de Libye. Il n’est pas permis de les rejeter ou de les ignorer dans le but de préserver des intérêts personnels ou régionalistes.

 








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