Un Canadien engagé demeure coincé en Algérie, malgré une autorisation de quitter le pays

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Le Canadien à la double nationalité Lazhar Zouaïmia a été arrêté par les forces de l’ordre à Constantine le 19 février dernier, au moment de son départ.

Un citoyen algéro-canadien qui a été emprisonné injustement pendant un mois en Algérie pour avoir exprimé ses opinions politiques à partir de Montréal, selon ses proches, n’a pu retourner à Montréal comme prévu, samedi. Une situation « incompréhensible », qui plonge dans le noir sa femme et son avocate.
Au terme d’une visite auprès de ses proches en Algérie, le Canadien à la double nationalité Lazhar Zouaïmia a été arrêté par les forces de l’ordre à Constantine au moment de son départ, le 19 février. Il a alors fait face à plusieurs chefs d’accusation criminels, notamment pour avoir fait « l’éloge des actes terroristes à travers la technologie des médias et de la communication » et aussi parce qu’il aurait soutenu « un groupe terroriste ».
Dans les faits, ont rétorqué ses proches et ses avocats, M. Zouaïmia a été détenu pour avoir exprimé sur les réseaux sociaux et dans la rue, à Montréal, son soutien à Hirak, un mouvement de contestation en faveur de la démocratie en Algérie, où un régime militaire autocratique fait la loi et l’ordre. L’homme, qui s’est aussi impliqué pour Amnistie internationale à Montréal, aurait ainsi été arrêté en raison de ses prises de position contraires à celle des autorités au pouvoir en Algérie, une pratique qui est devenue commune dans le pays.

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Zoubida Assoul, l’avocate devenue un symbole du combat pour les libertés

Au terme de plus d’un mois de détention, l’homme a été libéré provisoirement le 30 mars. Les accusations de terrorisme qui pesaient contre lui ont d’ailleurs été abandonnées. M. Zouaïmia, un employé syndiqué d’Hydro-Québec, devra toutefois se présenter devant un tribunal algérien à la fin du mois de mai pour être jugé pour délit d’atteinte à l’unité nationale.
« On est dans l’incompréhension la plus totale »
Entre-temps, l’homme ne fait l’objet d’aucune interdiction de circuler librement et peut donc quitter le pays. « On nous a dit qu’il n’avait aucun mandat l’empêchant de quitter le territoire algérien. Donc, on était confiants », pensant qu’il pouvait rentrer au bercail, à Montréal, en attendant la prochaine audience devant la Cour, a raconté au Devoir samedi l’avocate du citoyen engagé, Zoubida Assoul.
Ainsi, M. Zouaïmia s’est rendu samedi à l’aéroport d’Alger, où il devait prendre à 10 h un avion en direction de Montréal. Il était alors accompagné de son avocate et de deux représentants de l’ambassade du Canada en Algérie. Une conférence de presse devait d’ailleurs avoir lieu en milieu d’après-midi samedi à Montréal pour marquer son retour, a-t-on indiqué au Devoir.
Or, à son arrivée aux douanes, des agents l’ont interrogé pendant « pendant une heure », ce qui lui a fait manquer son vol, a indiqué Zoubida Assoul en entrevue téléphonique. Après avoir reçu une nouvelle confirmation qu’aucun mandat ne l’empêchait de quitter le pays, le père de famille, avec l’aide de sa femme Fatima Benzerara, a acheté un nouveau billet d’avion en direction de Barcelone, en Espagne, où il devait prendre un autre vol ensuite pour se rendre à Montréal.
Or, l’histoire s’est répétée : des agents frontaliers ont de nouveau interrogé longuement l’homme, le faisant ainsi manquer son vol. « Personne ne lui a dit pourquoi on l’empêche de partir », a déploré Mme Assoul. À court de ressources, M. Zouaïmia a repris le chemin du retour en direction de la maison de ses proches, à plusieurs heures de route de l’aéroport d’Alger. Le moment où il pourra quitter le pays demeure ainsi incertain.
« C’est la déception et c’est l’incompréhension », a dit en soupirant au Devoir samedi Fatima Benzerara questionnée sur ce revirement de situation. On lui avait pourtant assuré que son mari était « libre de ses mouvements et qu’il [pouvait] rentrer chez lui », a-t-elle rappelé. « Il a été arrêté et il a été refoulé sans explication », poursuit-elle.
Une indignation que partage Zoubida Assoul, l’avocate de Lazhar Zouaïmia. « On est dans l’incompréhension la plus totale », a lancé l’avocate, qui n’arrive pas à comprendre « ce qui a fait qu’on l’a empêché de partir » d’Algérie.
« Ce que je peux vous assurer, c’est qu’au niveau des services frontaliers, on nous a assuré qu’il n’y avait aucun mandat contre lui » qui empêcherait l’homme de quitter le pays, a renchéri Mme Assoul, qui se dit « dans le flou total » pour la suite des choses. Afin de mettre fin à cette impasse, l’avocate joint sa voix à celle de la femme de M. Zouaïmia en interpellant les autorités canadiennes.
« Pour l’instant, je pense que les autorités canadiennes, en tout cas l’ambassade et le consulat, pourraient demander au ministère des Affaires étrangères [de l’Algérie] pourquoi Lazhar a été empêché de rentrer chez lui, sur quelle base. C’est la première démarche à faire, à mon avis », a conclu l’avocate.
Affaires mondiales Canada n’avait pas répondu à nos questions, au moment où ces lignes étaient écrites.


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