Des ondes sonores provenant d’un trou noir rendues audibles pour la première fois
Des ondes sonores provenant d’un trou noir rendues audibles pour la première fois 1223
En 2003, des astronomes ont découvert qu’un trou noir supermassif situé au centre de l’amas de galaxies de Persée, à 250 millions d’années-lumière, émettait des ondes de pression générant des ondulations dans le gaz de l’amas galactique, qui pouvaient être traduites en notes. En termes musicaux, la hauteur (fréquence) de ce son se traduit par un si bémol, mais nous ne pouvons l’entendre, car la note est 57 octaves plus bas ! Une nouvelle sonification nous permet aujourd’hui d’entendre le son de ce trou noir pour la première fois.
« Dans l’espace, personne ne vous entend crier », cette phrase célèbre associée au film Alien mérite quelques explications. Dans l’espace effectivement, on n’entend aucun son, mais cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’ondes sonores émises : cela signifie simplement qu’il n’y a pas assez de matière pour transporter ces ondes. L’espace est essentiellement constitué de vide, dans lequel sont dispersées des particules de gaz et de poussières ; mais celles-ci sont tellement éloignées les unes des autres que les ondes sonores qu’elles propagent sont d’une fréquence extrêmement basse, inaudible pour l’ouïe humaine.
Lorsqu’une onde sonore voyage autour de nous, elle provoque des oscillations de la pression atmosphérique ; le temps qui s’écoule entre chacune de ces oscillations représente la fréquence du son, et la distance séparant les pics d’oscillation désigne la longueur d’onde. Si la distance entre les particules d’air est supérieure à cette longueur d’onde, les oscillations cessent, le son s’éteint. Ainsi, dans l’espace, les sons doivent avoir une très grande longueur d’onde pour passer d’une particule à l’autre : cela se traduit par un son bien trop grave pour nous — le son le plus bas que l’ouïe humaine peut détecter a une fréquence de 20 Hz (soit 20 oscillations par seconde).
Des sons qui pourraient influencer la formation des étoiles
Le son émis par le trou noir de l’amas de Persée est environ un million de milliards de fois plus profond que les sons que nous pouvons entendre : il génère l’équivalent d’une oscillation tous les 10 millions d’années ! À l’occasion de « la semaine des trous noirs », organisée par la NASA du 2 au 6 mai, des scientifiques ont produit une nouvelle sonification du phénomène, à partir des données de l’observatoire à rayons X Chandra, qui avait permis de détecter les ondes sonores en 2003.
Cette sonification ne ressemble à aucune autre réalisée auparavant. Les ondes sonores ont été extraites dans les directions radiales, c’est-à-dire du centre vers l’extérieur du trou noir, et diffusées dans le sens inverse des aiguilles d’une montre à partir du centre. Les signaux ont ensuite été resynthétisés dans la gamme de l’audition humaine, soit 57 et 58 octaves au-dessus de leur hauteur réelle. Concrètement, cela signifie que nous les entendons ainsi 144 quadrillions et 288 quadrillions de fois plus haut que leur fréquence d’origine ! Écoutez le résultat :

Sur cette image, le bleu et le violet représentent des données de rayons X capturées par Chandra. Le balayage de type radar autour de l’image permet d’entendre les ondes émises dans différentes directions.
À noter que les ondes sonores qui se propagent au sein des amas galactiques, entre les galaxies, constituent également un mécanisme permettant de chauffer le plasma de ce milieu intragalactique, car elles transportent de l’énergie — le gaz y est d’ailleurs plus dense et beaucoup plus chaud qu’en dehors de l’amas, dans le milieu intergalactique. Ainsi, les ondes sonores pourraient jouer un rôle majeur dans l’évolution des amas de galaxies, car la formation des étoiles dépend des conditions de température.
Un jet de plasma converti en mélodie
Si le son émanant de l’amas galactique de Persée est la note la plus basse de l’Univers jamais détectée par l’Homme, ce n’est pas le seul à avoir bénéficié d’une sonification. Le trou noir supermassif de la galaxie Messier 87, qui a été imagé pour la première fois en 2019 grâce à la collaboration Event Horizon Telescope, a fait l’objet de nombreuses observations par d’autres instruments. Ce trou noir est caractérisé par un immense jet de plasma, qui émerge du cœur et s’étend sur au moins 5000 années-lumière. Les données associées à ce jet ont elles aussi été converties en sons :



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