Le James-Webb révèle des galaxies comme la Voie lactée tôt dans l'Univers
Avec son pouvoir de résolution accru par rapport à celui de Hubble, le James-Webb repousse les limites de nos observations du monde des galaxies. Il vient de livrer des images montrant la présence de barres dans des galaxies spirales, tout comme dans le cas de notre Voie lactée, mais plus tôt que ne le prédisaient les modèles de la formation et de l'évolution des galaxies, qu'il faudra donc réviser.
Les astrophysiciens et les cosmologistes ne se contentent pas de cartographier le cosmos observable au-delà de la Voie lactée ni d'investiguer comme des botanistes la variété des objets célestes au-delà de notre Galaxie, ils veulent en comprendre le fonctionnement, l'origine et l'évolution. Cela n'est possible qu'avec des yeux théoriques et observationnels de plus en plus puissants.
Nous savons depuis plus d'un siècle que nous pouvons modéliser la Voie lactée et les galaxies comme des gaz auto-gravitant d'étoiles et pour cela nous pouvons mobiliser la mécanique céleste de Newton à Laplace et la théorie cinétique des gaz et des plasmas de Boltzmann à Landau. Peut-être faudra-t-il finalement mobiliser aussi la théorie Mond, qui suppose que les galaxies ne sont pas plongées dans un halo de particules encore inconnues dans les laboratoires terrestres, et bel et bien modifier les lois de la mécanique de Newton.
Enseignement 2017-2018 : Dynamique des Galaxies : spirales et barres, interactions et fusions. Cours du lundi 20 novembre 2017 : Dynamique stellaire : orbites et résonances par Françoise Combes. Collège de France
Des spirales et des barres dans les gaz d'étoiles
Nous savons déjà cependant depuis des décennies que les lois connues nous permettent bien d'expliquer la diversité des galaxies mises en évidence notamment par Edwin Hubble, diversité qui se manifeste sous la forme des galaxies elliptiques, lenticulaires et spirales en particulier et avec des sous-divisions, par exemple des galaxies spirales qui peuvent posséder ou non des barres. On peut prendre connaissance des théories à ce sujet dans les cours de Françoise Combes au Collège de France dans la vidéo ci-dessus.
Mais, toutes les théories se doivent non seulement de reposer sur un socle d'observations mais aussi de passer continuellement des tests pour en découvrir les limites et les nouveaux territoires à conquérir. On attend justement du nouveau télescope spatial James-Webb qu'il nous permette de prolonger nos connaissances du monde des nébuleuses du télescope Hubble. En particulier, le James-Webb devrait nous aider à mieux comprendre l'origine et l'évolution précoce des galaxies entre environ 300 millions d'années et trois milliards d'années après le Big Bang. Il se pourrait même qu'il remette en cause nos théories sur l'origine des galaxies, par exemple en réfutant l’existence de la matière noire.
Nous n'en sommes pas encore là, mais le James-Webb vient tout juste de nous apporter de nouveaux éléments de réflexion à cet égard, comme le montre une publication dans The Astrophysical Journal Letters que l'on peut consulter en accès libre sur arXiv
Montage d'images JWST montrant six exemples de galaxies barrées, dont deux représentent les âges les plus élevés quantitativement identifiés et caractérisés à ce jour. Les étiquettes en haut à gauche de chaque figure montrent les âges des observations de chaque galaxie, allant de 8,4 à 11 milliards d'années (Gyr), lorsque l'Univers n'avait que 40 % à 20 % de son âge actuel. Nasa, CEERS, Université du Texas à Austin
Des défis pour les modèles galactiques
Dans un communiqué de l'université du Texas à Austin, on apprend ainsi que le regard du James-Webb a révélé l'existence de galaxies spirales barrées comme notre Voie lactée déjà il y a environ 11 milliards d'années, telles celles nommées EGS-23205 et EGS-24268.
C'est une surprise car avant, Hubble ne pouvait voir qu'un disque flou sans structures vraiment repérables et ce genre de galaxie aussi tôt dans l'histoire du cosmos observable pose des questions aux modèles de la genèse et de l'évolution des galaxies. « J'ai jeté un coup d'œil à ces données et j'ai dit : "Nous abandonnons tout le reste !" », a ainsi déclaré Shardha Jogee, professeur d'astronomie à l'université du Texas à Austin.
Yuchen Kay, un doctorant qui a dirigé l'équipe à l'origine de la découverte ajoute dans le même communiqué de l'université d'Austin : « Pour cette étude, nous examinons un nouveau régime où personne n'avait utilisé ce type de données ou effectué ce type d'analyse quantitative auparavant. Donc tout est Nouveau. C'est comme entrer dans une forêt dans laquelle personne n'est jamais allé. »
Jogee précise : « Les barres résolvent le problème de la chaîne d'approvisionnement dans les galaxies. Tout comme nous devons acheminer la matière première du port vers les usines intérieures qui fabriquent de nouveaux produits, une barre transporte puissamment le gaz dans la région centrale où le gaz est rapidement converti en nouvelles étoiles à un rythme généralement 10 à 100 fois plus rapide que dans le reste de la galaxie. »
On savait que les barres jouent un rôle important dans l'évolution des galaxies en canalisant le gaz dans les régions centrales, stimulant la formation d'étoiles. Du même coup, les barres contribuent également à la croissance de trous noirs supermassifs au centre des galaxies en canalisant le gaz en partie.
Mais, selon les chercheurs, l'existence aussi tôt de ces barres bouleverse les scénarios d'évolution des galaxies de plusieurs manières et surtout elle n'était pas prévue théoriquement. Il va falloir élaborer de nouveaux modèles théoriques et les tester, par exemple avec des simulations numériques comme celles déjà conduites avec Frontera, l'un des supercalculateurs le plus puissant au monde et dont dispose le Texas Advanced Computing Center (TACC) aux États-Unis.
Cette simulation montre à la fois comment les barres stellaires se forment (à gauche) et les entrées de gaz entraînées par les barres (à droite). Les barres stellaires jouent un rôle important dans l'évolution de la galaxie en canalisant le gaz dans les régions centrales d'une galaxie, où il est rapidement converti en nouvelles étoiles. Françoise Combes, Observatoire de Paris
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