Le James-Webb se penche sur les secrets des supernovae
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Le James-Webb commence à prendre le relais du télescope Hubble en renouvelant notre étude des supernovae et des processus de nucléosynthèse qu'il permet. Rappelons que ces explosions injectent dans le milieu interstellaire des noyaux d'oxygène, d'azote et carbone mais aussi de fer, noyaux que le Big Bang n'avait pas produits et qui sont à la base des molécules du vivant.
Les explosions d'étoiles fascinent astronomes et astrophysiciens au moins depuis les temps héroïques des « bâtisseurs du ciel » (notamment Tycho Brahe et Johannes Kepler) pour reprendre les termes de Jean-Pierre Luminet. Ils ignoraient tout alors de ce qu'étaient ces nouvelles étoiles, ces stellae novae brusquement apparues sur la voûte céleste. Il faudra attendre le XXe siècle avec les développements de la physique quantique et de la physique nucléaire pour que les membres de la noosphère fassent la distinction entre nova et supernova d'une part, puis entre supernova de type SN II et supernova de type SN Ia d'autre part, d'abord d'un point de vue observationnel puis théorique.
L’un des articles phares concernant la nature des SN Ia remonte à 1960 et on le doit à Fred Hoyle et William Fowler. Les deux chercheurs avaient compris que l’on était en présence d’explosions thermonucléaires d'étoiles naines blanches contenant essentiellement un mélange carbone-oxygène. Un des sous-produits de ces explosions cosmiques que l’on peut voir à des milliards d’années-lumière tant elles sont brillantes sont les noyaux de fer que l’on retrouve dans nos globules rouges et au cœur de la Terre.
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Cette image de Hubble montre NGC 1566, une belle galaxie située à environ 40 millions d'années-lumière dans la constellation de la Dorade. NGC 1566, parfois aussi nommée Spanish Dancer, est une galaxie spirale intermédiaire, ce qui signifie que, même si elle n'a pas de région d'étoiles en forme de barre bien définie en son centre — comme des spirales barrées —, elle n'est pas non plus tout à fait une spirale non barrée. Le noyau petit mais extrêmement brillant de NGC 1566 est clairement visible sur cette image, signe révélateur de son appartenance à la classe de galaxies Seyfert. Les centres de ces galaxies sont très actifs et lumineux, émettant de fortes bouffées de rayonnement et abritant des trous noirs supermassifs qui font plusieurs millions de fois la masse du Soleil. NGC 1566 n'est pas n'importe quelle galaxie de Seyfert ; c'est la deuxième galaxie Seyfert la plus brillante connue. © ESA, Nasa
Des explosions qui produisent des éléments radioactifs
Ces phares cosmiques sont aussi utilisés pour étudier l’expansion accélérée de l’Univers observable et faire la lumière sur la nature de ce que nous appelons l’énergie noire et ils n’ont pas livré tous leurs secrets.
Ça tombe bien, la noosphère a un nouvel œil en orbite et il commence à se pencher sur ces secrets. Vous l’aurez deviné, il s’agit du télescope James-Webb qui ne fait finalement que prendre le relais de son prédécesseur, le télescope Hubble, pour le même genre de recherche.

Dans le cas présent, une équipe internationale de chercheurs a dédié ses efforts à l’étude des restes de SN 2021aefx, une supernova de type SN Ia dont l’explosion avait été détectée en novembre 2021. Comme l’explique l’article publié dans The Astrophysical Journal Letters à ce sujet, l’événement s’est produit dans la galaxie spirale de type Seyfert NGC 1566 — également connue sous le nom de la « Danseuse espagnole » — située à environ 40 millions d'années-lumière de la Voie lactée en direction de la Constellation de la Dorade.
Les observations du JWST ont été faites presque un an après l’explosion de SN 2021aefx et dans l’infrarouge. Comme le rappelle donc, dans un communiqué de l'Ohio State University, Michael Tucker, chercheur au Center for Cosmology and AstroParticle Physics : « Les explosions de naines blanches sont importantes dans le domaine de la cosmologie, car les astronomes les utilisent souvent comme indicateurs de distance. Ils produisent également une grande partie des éléments du groupe du fer dans l'Univers, tels que le fer, le cobalt et le nickel ».
En effet, l’explosion produit d’abord un isotope radioactif du nickel qui se désintègre rapidement sous la forme d’un isotope lui aussi instable du cobalt selon la réaction 56Ni → 56Co. Une autre réaction se produit alors en cascade 56Co → 56Fe. L’énergie libérée et des particules accompagnant ces désintégrations circulent alors dans l’éjecta de matière produit par l’explosion, lui-même plongé dans des champs magnétiques.
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Une vue en fausses couleurs de NGC 1566 prise par le JWST. Les restes de la supernova SN 2021aefx sont dans le cercle vert. La barre noire donne les distances en kiloparsec. Un parsec vaut 3,26 années-lumière. © Ness Mayker Chen et al., 2023 ApJL
Une clé pour valider l'évolution chimique des galaxies
Michael Tucker et ses collègues étaient juste occupés à étudier NGC 1566 pour mieux comprendre en général comment certains éléments chimiques sont émis dans le cosmos environnant après une explosion quand ils sont rendu compte par hasard que les images du JWST pouvaient donner des informations sur la supernova SN 2021aefx. Comprendre comment ces réactions stellaires affectent la distribution des éléments de fer dans le cosmos peut donner aux astrophysiciens nucléaires et aux cosmochimistes un aperçu plus approfondi de l’évolution chimique des galaxies. Encore faut-il bien comprendre tous les mécanismes en œuvre.
Comme l’explique le communiqué de l'Ohio State University, les observations dans le proche infrarouge et moyen infrarouge du JWST ont permis de préciser ce qui se passait avec la désintégration du cobalt-56 en fer-56. La théorie prédisait depuis un moment que, si les noyaux allaient bien se retrouver in fine dans le milieu interstellaire, l’énergie libérée par ce type de réactions devait rester confiner dans la nébuleuse formée par les éjectas de matière de l’explosion
« C'est l'une de ces études où, si nos résultats n'étaient pas ceux que nous attendions, cela aurait été vraiment préoccupant. Nous avons toujours supposé que l'énergie ne s'échappait pas des éjectas, mais jusqu'au JWST, ce n'était qu'une théorie. Cette étude valide près de 20 ans de science. Cela ne répond pas à toutes les questions, mais cela fait du bon travail en montrant au moins que nos hypothèses n'ont pas été catastrophiquement fausses », a déclaré Tucker.

Les résultats obtenus confortent donc le modèle dans lequel les champs magnétiques dans la matière de l’étoile soufflée par l’explosion de type SN Ia retiennent une grande partie de l’énergie produite par la désintégration des isotopes de cobalt.
« La puissance de JWST est vraiment sans précédent. C'est vraiment prometteur que nous accomplissions ce genre de science et, avec JWST, il y a de fortes chances que nous puissions non seulement faire la même chose pour différents types de supernovas, mais le faire encore mieux », conclut Michael Tucker.


Source : sites Internet