!De L'épreuve du fil au sacrifice ultime
!De L'épreuve du fil au sacrifice ultime  1--295
Les coutumes guerrières du peuple Kabyle.
D'un caractère fier et d'une humeur peu endurante, les Kabyles étaient autrefois très rarement en paix. Il existait presque toujours dans un coin de nos montagnes quelque conflits entre deux tribus, deux villages, deux sof. Il suffisait parfois du caprice, de la faute, de la mauvaise volonté d'un seul pour entraîner les autres aux plus déplorables excès.
Dans ses guerres intestines, le Kabyle se battait, mais par point d'honneur, et non pour conquérir. A moins de cas extraordinaires, il se battait sans haine et pour une question d'amour-propre. Il concentrait toute sa fureur sur l'envahisseur, et l'histoire nous témoigne de sa force guerrière et de sa légendaire résistance et sa soif d'ndépendance, une indépendance qui malheureusement prend fin à la conquête Française et qui perdure jusqu'au jour d'aujourd'hui !
Tout Kabyle en état de porter les armes, se devait à la défense du pays : riches ou pauvres, jeunes ou vieux, tout le monde devait combattre. Quand une vieillesse trop avancée ne permet plus au corps les fatigues de la guerre, on avait le droit de ne plus s'exposer dans la mêlée; mais, au jour du combat, on venait donner encore quelques bons conseils.
Dès qu'un enfant peut soutenir le poids d'un fusil, son père se fait une gloire de le présenter à Tajmaɛt ( conseil du village). S'il arrivait qu'un grand et fort garçon voulût s'obstiner à ne pas se présenter, Tajmaɛt le réclamait pour lui faire subir la singulière épreuve du fil !
Cette épreuve consiste à mesurer le cou du jeune homme avec un fil. La longueur obtenue est doublée; puis, on réunit les deux extremités que l'on place entre les dents du patient; il en résulte une boucle qui est rabattue par-dessus la tête.
Si le diamètre de la boucle est assez grand pour que la têle y passe, c'est une preuve que le jeune homme est apte à prendre part aux combats et aux corvées.
Outre le fusil, chaque individu est armé d'un pistolet ou d'une arme blanche, un flissa ou Tacaqurt.
Le flissa, est un sabre originaire du savoir faire des Iflissen lebhar d'où l'origine de son nom, d'une taille allant de 50 cm à un mètre. Le flissa se distingue par une forme droite de la lame, des motifs gravés sur la lame et par un manche zoomorphe. Il fut l’arme principale du kabyle. Capable de frapper de taille aussi bien que d’estoc grâce à sa longue pointe effilée. Une arme terrible et convenant particulièrement à la guerre d’embuscades.
Tacaqurt est un instrument à deux tranchants , hache d'un côté , herminette de l'autre; en paix comme en guerre, le Kabyle en est toujours porteur dans son pays: il s'en sert pour élaguer ses arbres et achever un ennemi.
Le costume guerrier est complété par un tablier de cuir, qui, comme la hache , sert dans les combats et les travaux agricoles.
Pour les attaques de villages , on se sert d'une espèce de grand bouclier en bois , assez épais pour arrêter la balle, à l'abri duquel s'avancent deux ou trois combattants. L'un d'eux fait passer, par un trou pratiqué à cet effet, un instrument nommé Thanhist , qui n'est autre chose qu'une très longue et forte perche garnie à son extrémité d'une pointe en acier; cette espèce de bélier manœuvré par les hommes abrités , sert à faire, dans les maisons, une brèche , qui laisse à découvert ceux qui y étaient enfermés.
Des maisons de garde crénelées sur toutes les faces sont construites aux environs de chaque centre de population, et dans plusieurs villages, on construisait des tours assez élevées ressemblant à des minarets à plusieurs étages destinées à renfermer, en cas d'attaque, un certain nombre de combattants.
Généralement elles sont blanchies à la chaux comme les mosquées. Si l'assaillant parvenait à pénétrer dans les maisons, les plus déterminés du village se retireraient dans ces petits forts et chercheraient à les déloger par un feu plongeant.
Autrefois, la déclaration de guerre se faisait en règle, si des circonstances fortuites ne faisaient pas éclater un conflit spontané.
Les At Wagnun et les At Djenad par exemple avaient la coutume d'échanger, en temps de paix, deux fusils. Quand l'une de ces tribus voulait déclarer la guerre à l'autre, elle lui renvoyait l'arme qu'elle avait en dépôt. On donnait le nom de '' mzerag '' [lance] aux objets ainsi échangés, sans doute parce que c'était une arme de ce genre qui remplaçait le fusil avant l'invention des armes à feu.
Anciennement la plus grande partie des tribus agissaient comme les
At Wagnun et lesAt Djenad.
En général, quand une tribu se croyait insultée par une autre, et qu'elle voulait en tirer vengeance, elle commençait par faire attaquer ses troupeaux par les jeunes gens. Les bœufs , chèvres, moutons, pris dans ce coup de main, étaient mangés en lawziɛa.
!Dès ce moment on devait être prêt à la guerre
Quelquefois la déclaration d'hostilités avait lieu plusieurs jours à l'avance. Chaque parti profitait de ce laps de temps pour envoyer des émissaires dans toutes les directions, afin de faire rentrer plus tôt ceux qui voyageaient au loin.
Enfin, les escarmouches commençaient, les anciens conciliateurs entraient aussitôt en campagne; mais, comme ils savaient par expérience que ce ne serait pas dans le principe qu'ils pourraient parvenir à éteindre l'animosité qui existait entre les combattants , ils cherchaient seulement à la calmer en faisant conclure des trêves ( ṭmana ).
Ainsi, on convenait qu'on ne se battrait pas la nuit, que tels ou tels jours de la semaine seraient garantis par '' Laɛnaya ''
qu'on suspendrait même les hostilités pour un certain temps.
Pourtant, si l'un des deux partis était trop irrité par ses pertes ou par l'insulte qu'il avait reçue, la voix des sages n'était pas écoutée, les choses devenaient souvent fort graves. On s'attaquait le jour, la nuit et à toute heure. Toute communication était interrompue. On creusait des tranchées pour se rapprocher des villages; les maisons étaient incendiées, les arbres coupés...
Ainsi, d'après les degrés d'irritation , les combats changeaient de caractère. Dans le cas le plus ordinaire , les guerriers des deux partis se portaient sur tel point consacré par l'habitude pour y vider les querelles, et s'y battaient en tirailleurs.
Si l'exaspération ne s'est pas emparée des esprits, les communications continuent à exister entre les parties belligérantes. Entre les escarmouches et quelquefois pendant le combat, les femmes peuvent aller libremen d'un village à l'autre, mais en passant par des chemins désignés d'avance et sur lesquels règne Laɛnaya. Quant aux hommes , ils ne peuvent se rendre dans un village ennemi que pendant les trêves et sans armes.
Quelle que soit l'excitation des combattants, une trêve est toujours accordée pour ensevelir les morts. À la suite d'une affaire et avant de se séparer, l'un des deux partis fait connaître à l'autre à haute voix, qu'une suspension d'armes est nécessaire, et en donne la raison ; il lui est répondu sur le même ton , et chacun se retire. Le village entier se réunit alors, pour creuser les tombes de ceux qui ont succombé dans la journée.
Il arrive souvent qu'un individu meurt , dans le courant d'une guerre, de sa mort naturelle ; la trêve est encore demandée en ces circonstances, et si le défunt a des amis dans la tribu hostile, il n'est pas rare de les voir accourir lui rendre les derniers devoirs. Le village tout entier, et plus spécialement Taxerrubt à laquelle il appartient, prend part à ses funérailles.
Tous les habitants du village aident à creuser la fosse qui doit recevoir le corps du défunt, et l'enterrement se fait au milieu d'un morne silence du côté des hommes, et d'un concert assourdissant de cris aigus de la part des femmes.
Si l'un des partis n'a eu que des blessés et pas de morts, dans le courant d'une , journée de combat, il fait une salve de mousqueterie. Il ne s'éloigne pas du lieu du combat sans faire une décharge générale de toutes ses armes en signe de triomphe. La même chose a lieu quand un sof ami arrive au secours d'un autre ; c'est alors un salut réciproque.
Les soins apportés aux blessés sont souvent rudimentaires, on fait mâcher de la terre au moribond, sans doute pour provoquer la salivation et l'empêcher par-là d'avoir la bouche desséchée, car l'eau donnée à un blessé, est considérée comme malfaisante.
Les plaies ne sont jamais lavées avec de l'eau , mais avec de l'huile chaude dans laquelle on a fait infuser des aromates. Elles sont pansées avec des chiffons de coton ou de laine.De temps à autre on brûle un peu de benjoin , et, au moyen du souffle, on en dirige la fumée dans la direction de la plaie.
Si la blessure est faite par une arme à feu et que le projectile ne soit pas sorti, mais qu'il soit à portée d'être senti sous le doigt, on l'extirpe après avoir fait une incision avec ce même couteau qui sert à égorger les moutons, à achever un ennemi, à se raser la tête : ces premiers soins donnés, le blessé guérit comme il peut !
Ceux qui ont vu de près les combats des Kabyles étaient étonnés de la facilité avec laquelle ils font le sacrifice de leurs intérêts pour soutenir une question d'amour-propre ou de nationalité, allant jusqu'à mettre le feu à leur maison , pour que l'ennemi ne se donne la satisfaction d'y pénétrer.
D'ailleurs, il est très-rare qu'un village soit enlevé de vive force, si l'assiégeant n'a pas des intelligences dans la place, ou si un sof ne fait pas défection.
Dans le cas où un village, n'ayant pas un nombre suffisant de combattants pour tenir la campagne devant l'attaque de forces supérieures, les défenseurs s'empressaient de combiner les moyens de résistance. Des fossés étaient creusés, des constructions étaient élevées suivant la position des terrains à défendre; les issues des rues étaient fermées par des murs en pierres sèches, et, au moment de l'attaque, chacun occupait la place qui lui avait été assignée.
Les femmes jeunes ou vieilles se réunissaient parées de leurs bijoux, et, se tenant par la main, entonnaient un chant de guerre. De temps en temps, elles poussaient des cris pour stimuler le courage des défenseurs. Ces chants, ces cris de guerre jetés par des femmes au milieu de la fusillade, sont d'un effet saisissant.
Les choses ne se passent pas de même quand ce sont les ennemis extérieurs au pays qui attaquent; alors, les femmes sont renvoyées dans la montagne avec les enfants et les troupeaux; car, dans le cas de la prise du village, elles seraient faites prisonnières, tandis qu'entre Kabyles les femmes sont toujours relâchées, et, dans quelques cas que ce soit, aucune insulte ne leur est faite.
L'état de guerre qui régnait presque perpétuellement dans nos montagnes, forçait chaque village à se tenir constamment prêt à toutes les éventualités. Aussi, les cartouchières étaient-elles toujours garnies de poudre et de balles, et les fusils soigneusement tenus.
Jamais un Kabyle, chers lecteurs, ne raccommode un vêtement percé d'une balle; la raison qu'il en donne, c'est que le '' Tout Puissant '' ayant eu l'intention de marquer un de ses enfants dans tel endroit de ses vêtements, ce serait folie de faire disparaître de telles traces, un nouveau projectile se ferait jour par le même chemin !
Il reste beaucoup à dire sur les coutumes guerrières du peuple Kabyle, un peuple valeureux, forgé dans la douleur et bercé par une menace perpétuelle, celle de ne plus être libre.
Son indépendance, il fini malheureusement par la perdre et c'est en soumis qu'il continue à vivre jusqu'à nos jours. De génération en génération, on a fini par oublier que ce pays a existé, un pays submergé par un autre par la force d'un autre... Un jour peut-être on se souviendra !!
Ceci dit, je vous remercie d'avoir pris le temps de lire, prenez soin de vous et agréable soirée


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