La libération du prince Massiva
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Chers amis de l'Algérie et de l'Afrique du Nord, permettez-moi ce soir de vous faire voyager à nouveau à travers la geste massinissienne en offrant à vos yeux émerveillés un énième tableau italien relatif à l’histoire du grand agellid, représentant cette fois-ci la libération du prince Massiva par le général Scipion, œuvre de Giovanni Battista Tiepolo datée d’entre 1719 et 1721, aujourd’hui conservée aux Walters Art Museum de Baltimore.
Vous vous souvenez que lors de ma communication sur la révision de la Constitution algérienne j’avais été interpellé au sujet de l'amitié entre le Massyle Massinissa et le Romain Scipion, comme sommé de répondre devant le tribunal de l’Histoire de faits s’étant déroulés il y a plus de 2200 ans et qui suscitent encore de nos jours des passions exacerbées au sein de la société algérienne. Laissez-moi donc partager avec vous ma réponse :
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Fils de l'agellid Gaïa, Massinissa avait été dépêché en Ibérie, afin d'y guerroyer avec ses cavaliers numides aux côtés des troupes carthaginoises contre les Romains, son père étant alors un allié de Carthage. Mais voilà qu’après une défaite des troupes carthaginoises, ibères et numides, lors de la bataille de Baecula en 208 avant Jésus-Christ, parmi les captifs faits à cette occasion, l'un d'entre eux attira l'attention du général romain, Scipion, par sa jeunesse et sa bravoure. Il s'agissait de Massiva, petit-fils de l'agellid Gaïa et neveu de Massinissa qui avait outrepassé les ordres de son oncle qui cherchait alors à le protéger des affres de la guerre. Le général romain décida de libérer Massiva et de le rendre à Massinissa, alors même que le père de Scipion était mort en guerroyant contre les Carthaginois, les Ibères et les Numides. Plus tard, le souvenir de cette libération devait favoriser une prise de contact en Espagne entre Massinissa et Scipion, le Massyle n’ayant pas oublié le geste de Scipion en changeant dès lors d'alliance au profit de Rome.
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Ce retournement d'alliance constitua une marque de pragmatisme, voire de realpolitik. Souvenez-vous en effet, comme le rappelle Corneille dans ses vers, que les Carthaginois étaient eux-mêmes des étrangers en Afrique. Accueillis à l'origine par les Berbères, ils cessèrent cependant dès le Ve siècle avant Jésus-Christ de leur payer tribut, étendant même leur domination sur les terres intérieures, vous vous souvenez d’ailleurs que Massinissa cherchait à reconquérir la terre de ses ancêtres. Entre Carthage et Rome, la puissance la plus lointaine pour Massinissa était donc Rome, absente à cette époque de l'Afrique, alors que Carthage empiétait sur la terre de ses ancêtres. L'alliance entre Massinissa et Scipion, née à l’origine de la libération de Massiva, peut-être favorisée par le mariage de la Carthaginoise Sophonisbe, qui lui aurait été promise dans sa jeunesse, à son rival Syphax, et accentuée ensuite par la perte de son royaume, a ainsi participé au grand dessein prêté à l'agellid numide : rendre l'Afrique aux Africains.
Plus tard, Carthage détruite et les Romains en Afrique, le petit-fils de Massinissa, Jugurtha, après avoir été un temps leur allié, devait en devenir leur ennemi le plus farouche, inspirant à Jean Amrouche au XXe siècle, dans une Afrique du Nord colonisée, son texte le plus fameux : "L'Eternel Jugurtha".


Massensen Cherbi