Aux origines de la vie : des bactéries photosynthétiques vieilles de 1,75 milliard d'années ont été découvertes
Des cyanobactéries possédant un élément bien particulier à l'origine de l'oxygénation terrestre et de l'émergence de la vie complexe ont été retrouvées dans un microfossile datant d'il y a 1,75 milliard d'années... Soit 1,2 milliard d'années plus vieux que la preuve la plus ancienne connue.
Les premières bactéries capables de photosynthèse oxygénique (produisant de l'oxygène), à la manière de ce qui deviendra les plantes, sont apparues il y a au moins 1,75 milliard d'années, ont découvert des chercheurs de l'Université de Liège (Belgique). C'est la preuve directe la plus ancienne de la présence des microstructures photosynthétiques appelées "thylakoïdes", à la base du règne végétal moderne.
Des cyanobactéries à l'origine des chloroplastes végétaux vieux de 1,75 milliard d'années
Sous le microscope des chercheurs, des assemblages de microfossiles australiens datant de 1,75 milliard d'années – soit 1,5 milliard d'années avant l'apparition des dinosaures – sont soigneusement observés. Les scientifiques les soupçonnent de renfermer des cyanobactéries, ces bactéries capables de photosynthèse oxygénique et qui ont précédé les plantes. Nettoyés à l'acide pour ne conserver que la matière organique, puis inclus dans de la résine et coupés au couteau diamant, les échantillons sont à présent réduits en tranches si fines que les électrons passent au travers.
C'est ainsi, grâce à la microscopie électronique à transmission, que les scientifiques font une découverte étonnante. Une ultrastructure microscopique essentielle à la photosynthèse végétale telle que nous la connaissons aujourd'hui, mais dont on ne connaissait pas de fossile plus vieux que 0,55 milliard d'années : des thylakoïdes. "Les thylakoides sont uniques aux cyanobactéries et aux chloroplastes des plantes et des algues", explique Emmanuelle Javaux, biologiste et géologue qui a dirigé ces travaux publiés dans la revue Nature. Et pour cause : à l'origine, les chloroplastes sont des cyanobactéries qui ont été internalisées par des cellules eucaryotes - les cellules avec noyau composant entre autres les animaux et les plantes.
Comprendre la Grande Oxygénation de la Terre
C'est donc prouvé : les cyanobactéries possédant des thylakoïdes, à l'origine de la vie végétale, existaient déjà il y a 1,75 milliard d'années ! Si c'est important, c'est que les cyanobactéries en général et celles possédant des thylakoïdes en particulier ont joué un rôle fondamental dans l'émergence des formes de vie complexes que nous connaissons. Il y a 2,4 milliards d'années, l'atmosphère terrestre s'enrichit fortement en oxygène de façon permanente, atteignant jusqu'à 5% de la composition de l'air – contre 20% environ de nos jours. C'est ce que les scientifiques appellent la Grande Oxydation (GOE en anglais pour Great Oxygenation Event).
Anciennement peuplée majoritairement d'organismes anaérobies (pour lesquels l'oxygène est un poison), la Terre accueille de plus en plus de cyanobactéries, productrices d'oxygène par photosynthèse oxygénique. "Les cyanobactéries utilisent le CO2, la lumière du soleil et l'eau pour produire des sucres et de l'oxygène", précise Emmanuelle Javaux. Un processus qui existait probablement déjà il y a trois milliards d'années chez les cyanobactéries dépourvues de thylakoïdes, les premières à être apparues, mais dont l'efficacité est décuplée chez celles qui en possèdent.
"L'apparition des thylakoides chez les cyanobactéries a pu amplifier le GOE", suggère Emmanuelle Javaux. Pour le savoir, il faut aller encore plus loin, à la recherche des thylakoïdes encore plus anciens. Un travail patient et méticuleux, tant la formation de fossiles dépend d'une multitude de conditions qui peuvent altérer définitivement les roches et les traces de vie qu'elles recèlent. "Nous n'étions pas certains que des fossiles vieux d'1,75 milliard d'années préservent des microstructures à l'intérieur des cellules fossiles !", se rappelle la biologiste. Des témoins inestimables d'une vie microscopique "la plus diverse sur Terre depuis les origines de la vie" que la scientifique considère toujours comme des "trésors", ajoute-t-elle en souriant.
Source : sites Internet