Tracer un chemin de cadavres et de feu
Les États divisés d'Europe, avec leurs levées de paysans et leurs chevaliers chargés de lourdes cotes de mailles et d'armures, étaient disposés contre ce poids lourd concentré de commandants compétents et de féroces archers à cheval. Les récits des armées qui étaient le fléau de Dieu, qui avaient facilement renversé les rois de la lointaine Chine et de la Perse, avaient fait leur chemin vers l'Ouest, ainsi que l'expérience directe des survivants de la bataille de la Kalka. Les rois et princes d'Europe avaient probablement une idée de l'horreur qui les attendait, mais en réalité, ils ne pouvaient pas imaginer ce qui allait se passer.
En 1236, la horde mongole traversa la Volga. Les Bulgares de la Volga furent vaincus dans l'année, tout comme les Kiptchaks et les Alans. Une fois les peuples semi-nomades éliminés, l'Europe chrétienne était ouverte. Batu envoya des émissaires pour demander des alliances aux princes de Russie. Lorsque ceux-ci refusèrent, leurs villes furent assiégées pendant quelques jours seulement avant d'être mises à sac. Lorsque Iouri II (r. 1212-1216, 1218-1238) refusa de s'agenouiller en 1238, son armée fut détruite, sa ville réduite en cendres et sa famille massacrée. Le reste de la Russie subit le même sort, à l'exception de Smolensk (grâce au tribut) et de Novgorod (en raison de la distance). Plus tard cette année-là, Batu mit à sac la grande ville de Kiev, le centre de l'orthodoxie russe, et fit des incursions en Crimée. D'autres villes russes tombèrent l'année suivante, suivies par la puissante ville de Halytch en 1240.
The Mongols Sack Suzdal
Si la campagne russe de trois ans avait été impressionnante, elle n'était rien comparée à ce qui allait suivre. L'armée mongole était encore fraîche, intacte, et fin prête pour plus de pillage. Devant eux se trouvaient les véritables royaumes médiévaux d'Europe: des chevaliers en armure, des croisés venus de la Baltique, certains des plus grands royaumes d'Europe. Pourtant, si les armées des États de Pologne, de Bohême, d'Allemagne et de Hongrie étaient peut-être plus fortes, elles étaient fragmentées, tout comme les dirigeants russes. Si la horde mongole les avait attaqués un par un, la victoire aurait été facile. Il s'avéra qu'ils n'auraient même pas besoin de toute leur force pour y parvenir.
Batu et Subötai avaient envoyé des espions en Europe pour recueillir des informations sur leur prochaine opération. Subötai, toujours aussi tacticien, divisa la horde mongole en trois unités et prépara une attaque sur trois fronts, non pas contre un seul ennemi, mais contre toute l'Europe. Toutefois, les deux premières pointes ne visaient qu'à attirer l'attention de l'Europe, tandis que la troisième, la plus importante, visait à frapper la plus grande puissance d'Europe de l'Est.
Bien que n'étant que des feintes, les deux premiers groupes dévastèrent le nord-est et le sud-est de l'Europe. Le premier groupe était dirigé par Khadan, fils d'Ögedeï et Baidar. Ils envahirent la Pologne et anéantirent l'armée levée par Henri II le Pieux, duc de Silésie (r. 1238-1241), et le grand maître des chevaliers teutoniques à la bataille de Legnica (Liegnitz) en 1241. Leurs forces dévastèrent ensuite la campagne polonaise tout en harcelant l'armée de Bohême voisine pour l'empêcher de tenter de se déplacer vers le sud. Le deuxième groupe, dirigé par Güyük, traversa les Carpates jusqu'en Transylvanie, où il a vainquit les armées locales et entreprit des raids dans la campagne.
L'invasion mongole de la Hongrie
Dencey (Public Domain)
Le troisième groupe, le plus important de la campagne, était dirigé directement par Batu et Subötai. Ils suivirent le Danube pour s'engager avec le plus grand ennemi à portée de main, la Hongrie. La Hongrie avait accueilli des réfugiés Coumans fuyant les Mongols, se plaçant ainsi en conflit direct avec ces derniers. L'armée de Béla IV (r. 1235-1270) affronta Batu et Subötai à la bataille de Mohi (Muhi moderne, également appelée bataille du Sajó) en 1241. Dans ce qui était désormais un thème récurrent, les forces mongoles massacrèrent l'armée hongroise.
Béla s'enfuit en Croatie, avec des cavaliers mongols à sa poursuite. Les Mongols dévastèrent la Hongrie, tuant potentiellement 15 à 20 % de la population hongroise. L'Europe de l'Est s'effondra, les soldats mongols touchèrent l'Adriatique, et le reste de l'Europe s'ouvrit aux hordes mongoles. Pourtant, à ce moment précis, tout le monde se replia. Des nouvelles étaient arrivées de Mongolie: Ögedeï était mort.
Faiseur de roi
Avec la mort du Grand Khan, la loi mongole, la Yassa, exigeait un kurultai de la famille royale dans la patrie mère. Tous les princes importants, dont beaucoup étaient en campagne en Europe, rentrèrent au pays pour déterminer qui succéderait à Ögedeï. En tant que chef de la branche de Djötchi, Batu avait une revendication potentielle. La Grande Khatun Töregene, veuve d'Ögedeï et mère de Güyük, invita Batu à revenir, mais celui-ci, soupçonnant peut-être un piège, resta sur son territoire, retardant le kurultai de plusieurs années. Finalement, en 1246, Güyük fut proclamé Grand Khan.
BATU DEVINT LE SOUVERAIN DE FACTO DES TERRITOIRES OCCIDENTAUX DE L'EMPIRE MONGOL.
Pendant ce temps, Batu ne se contenta pas d'être un conquérant mais aussi un administrateur. Batu devint le dirigeant de facto des territoires occidentaux de l'empire mongol. Il reçut la nouvelle génération de princes russes comme vassaux de la Horde d'or. Il nomma des fonctionnaires et des gouverneurs mongols pour l'Europe, le Caucase et la Perse. Cependant, Güyük commença à se méfier de Batu et quitta la Mongolie avec une armée en direction de l'ouest. Sorghagtani Beki, la veuve de Tolui, le plus jeune fils de Gengis, avertit Batu qu'il était la cible de Güyük. Lorsque Güyük convoqua Batu, ce dernier tarda et s'excusa jusqu'à ce que Güyük ne meure.
Sorghagtani Beki avait fait un pari intelligent. Elle avait gagné les remerciements de Batu et maintenant son fils Möngke était allié à Batu. Dans un geste surprenant, Batu convoqua un kurultai non pas au cœur des territoires mongols, comme le voulait la tradition, mais sur son territoire en Russie. Ce kurultai offrit d'abord le poste de Grand Khan à Batu, mais le seigneur de guerre refusa. A la place, il promut Möngke. Les branches de Djötchi et de Tolui étant d'accord, Batu orchestra alors un second kurultai en Mongolie même. Les deux autres branches de la famille, les descendants d'Ögedeï au pouvoir et les descendants de Djaghataï, refusèrent d'y assister. Möngke fut déclaré quatrième Grand Khan en 1251, et Batu appliqua la décision, punissant les Ögödéides et les Djaghataïdes, exécutant Büri, le principal Djaghataïde. Möngke était le Grand Khan, mais Batu était le faiseur de roi.
Maintenant au sommet de son prestige, Batu continua de consolider son emprise sur la Russie. Il réprima un soulèvement des princes russes et les plaça sous une vassalité encore plus étroite. Batu établit la ville de Saraï, près de la Volga, comme capitale administrative de la Horde d'or. Les tributs de ses vassaux affluèrent et préparèrent le terrain pour les campagnes, les raids et les conquêtes à venir. C'est de là que ses descendants continueront à diriger la Russie depuis la steppe pour les générations à venir.
À la mort de Batu en 1255, la Horde d'or passa à son fils Sartaq (r. 1256). La Horde d'or continuera à dominer la Russie pendant deux siècles, les royaumes mongols subsistant en Russie jusqu'au règne d'Ivan le Terrible (r. 1533-1584) au milieu du XVIe siècle, et en Crimée pratiquement jusqu'au XIXe siècle. Ayant chevauché de la Chine à la Hongrie au cours de sa vie, Batu laissa sa plus grande marque et son plus grand héritage aux peuples de Mongolie et de Russie.
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