Les images les plus détaillées de la danse des étoiles autour du trou noir géant au centre de la Voie lactée
[EN VIDÉO] Visitez le trou noir supermassif au cœur de la Voie lactée en réalité virtuelle Explorer le cœur de notre galaxie comme si vous y étiez, c'est désormais possible grâce à une nouvelle expérience en VR combinant la pointe de l'observation astronomique et de l'informatique.
Les astronomes continuent à sonder de plus en plus proche de l'horizon des événements du trou noir central de la Voie lactée avec le VLT de l'ESO. Ils mesurent plus précisément les mouvements des étoiles proches en orbite autour de lui, à la recherche d'une nouvelle physique et d'une meilleure connaissance de cet objet compact afin de déterminer notamment sa masse et sa vitesse de rotation.
« La théorie de la relativité générale est une théorie de la gravitation et comme la théorie newtonienne de la gravitation, qu'elle affine et élargit, son foyer naturel est l'astronomie », ainsi s'exprimait Subrahmanyan Chandrasekhar. Même si l'on pense que la théorie contient de profondes indications sur la nature ultime de la matière et des forces de l'Univers observable, et qui ne seront visibles que dans le cadre d'une nouvelle physique allant au-delà de la théorie de la relativité générale, force est de reconnaître que cette déclaration du prix Nobel de physique reste plus que jamais d'actualité et l'on chasse cette nouvelle physique aussi dans le domaine de l'astronomie avec elle.
Un des laboratoires possibles de cette quête, c'est un trou noir supermassif. Cela tombe bien, nous en avons un à portée de main, ou plutôt de télescopes et radiotélescopes, au cœur de la Voie lactée. On le désigne sous le nom de Sagittarius A* et Futura a déjà consacré plusieurs articles à ce sujet comme le précédent ci-dessous.
Deux nouveaux articles publiés dans Astronomy & Astrophysics provenant des membres de la collaboration Gravity expose les derniers résultats obtenus en utilisant le Very Large Telescope en mode interféromètre de l'Observatoire européen austral (VLTI de l'ESO). Les astronomes utilisent pour cela la fameuse technique de synthèse d'ouverture qui permet de combiner les observations de plusieurs instruments comme s'il en formait un unique de plus grande taille.
Ce zoom commence par une vue générale de la Voie lactée. Nous plongeons ensuite dans la région centrale poussiéreuse pour l'observer de plus près. Là, un essaim d'étoiles gravite autour d'un objet invisible : un trou noir supermassif, contenant environ 4,3 millions de fois plus de masse que le Soleil. En s'en rapprochant, on voit ces étoiles, observées par l'instrument Naco sur le Very Large Telescope de l'ESO (la dernière observation datant de 2019). En zoomant davantage, nous voyons des étoiles encore plus proches du trou noir, observées par l'instrument Gravity sur le Very Large Telescope Interferometer de l'ESO à la mi-2021. :copyright: ESO/Gravity collaboration/L. Calçada, N. Risinger (skysurvey.org), DSS. Musique: Johan Mone
L'IA pour percer les secrets des trous noirs
Cela permet d'obtenir une très grande résolution et selon le communiqué de l'ESO accompagnant les nouvelles publications, la noosphère a obtenu les images les plus détaillées et les plus nettes à ce jour de la région entourant le trou noir supermassif au centre de notre Galaxie, avec un gain d'un facteur 20 pour le zoom réalisé. La synthèse d'ouverture n'a pas été la seule technique employée pour atteindre ce résultat, précise le communiqué. Les astronomes ont fait appel à l'IA, plus précisément au machine learning, ce que l'on appelle la technique d'apprentissage automatique en français et en l'occurrence celle dénommée théorie des champs d'information.
Que permet donc de faire ce zoom ? Reinhard Genzel, directeur de l'Institut Max-Planck de physique extraterrestre (MPE) à Garching, en Allemagne, qui a reçu le prix Nobel en 2020 pour ses recherches avec ses collègues sur Sagittarius A* - recherches qui s'appuient sur l'étude qu'ils mènent depuis trois décennies sur les étoiles en orbite autour du trou noir supermassif (comme sa co-lauréate Andrea Ghez) -, l'astrophysicien l'indique en ces termes : « Nous voulons en savoir plus sur le trou noir situé au centre de la Voie lactée, Sagittarius A* : Quelle est sa masse exacte ? Tourne-t-il ? Les étoiles qui l'entourent se comportent-elles exactement comme nous l'attendons de la théorie générale de la relativité d'Einstein ? La meilleure façon de répondre à ces questions est de suivre les étoiles sur des orbites proches du trou noir supermassif. Et nous démontrons ici que nous pouvons le faire avec une précision inégalée ».
« Le VLTI nous donne cette incroyable résolution spatiale et, avec les nouvelles images, nous atteignons une profondeur jamais atteinte auparavant. Nous sommes stupéfaits par leur quantité de détails, ainsi que par l'action et le nombre d'étoiles qu'elles révèlent autour du trou noir », ajoute dans le communiqué de l'ESO Julia Stadler, chercheuse à l'Institut Max-Planck d'astrophysique de Garching, et qui a dirigé les opérations d'imagerie de la collaboration Gravity.
Pour en savoir plus sur le trou noir supermassif de la Voie lactée, Sgr A*, les scientifiques ont zoomé vers le centre de notre Galaxie à l'aide du Very Large Telescope de l'ESO en mode interféromètre pour observer le mouvement des étoiles autour de Sgr A*. Cette vidéo résume ce qu'ils ont découvert. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». :copyright: ESO
Une détermination de la masse et de la vitesse de rotation de Sagittarius A*
Déjà dans le cadre de la physique newtonienne, la façon dont un petit corps céleste est en mouvement autour d'un grand sous l'effet de la gravitation permet d'estimer la masse du plus massif. Mais plus ce petit corps est proche du grand, plus les effets propres à la théorie de la relativité générale se font sentir avec des conséquences mesurables. L'exemple le plus célèbre dans le grand public est sans doute celui de l'avance du périhélie de l'orbite de Mercure.
Plus généralement, les mouvements de petits corps matériels, de rayons lumineux ou la propagation d'ondes électromagnétiques, comme des ondes radio, sont d'autant plus affectés qu'ils sont proches d'un corps massif et/ou dense. De l'étude de ces mouvements on peut même déduire dans le cas d'un trou noir si la géométrie de l'espace-temps courbe autour de lui est celle d'un trou noir de Kerr en rotation ou celle d'un trou noir de Schwarzschild sans rotation. En fait, c'est également un moyen de déterminer non seulement la masse de ces trous noirs et leur vitesse de rotation mais aussi de chercher à déterminer si l'on n'est pas en présence d'objets décrits par d'autres équations que celle de la théorie de la relativité générale, peut-être comme celle de la théorie de la relativité intriquée.
Or justement, en plus d'affiner les mesures des mouvements d'étoiles proches de Sagittarius A*, les astronomes en ont vu une autre baptisée S300.
« Suivre les étoiles sur des orbites rapprochées autour de Sagittarius A* nous permet de sonder avec précision le champ gravitationnel autour du trou noir massif le plus proche de la Terre, de tester la relativité générale et de déterminer les propriétés du trou noir », explique Reinhard Genzel.
S29 est intéressante notamment parce qu'elle détient le record de l'étoile qui s'est approchée le plus près du trou noir à la fin du mois de mai 2021, à seulement 13 milliards de kilomètres, soit environ 90 fois la distance Soleil-Terre, et ce avec une vitesse spectaculaire de 8.740 kilomètres par seconde. Mais c'est encore un peu loin de la valeur qui permet de définir un mouvement relativiste, à savoir à partir de 10 % de la vitesse de la lumière, que l'espace soit plat ou courbe.
Toujours est-il que nous savons désormais que la masse de Sagittarius A* est de 4,30 millions de masses solaires environ et que le trou noir se trouve à 27.000 années-lumière du Soleil environ. La théorie de la gravitation d'Einstein semble toujours aussi victorieuse et continue donc d'être à ce jour la meilleure théorie relativiste de la gravitation que nous ayons.
L'avenir se présente brillamment car une version upgradée des instruments se prépare avec Gravity+, qui permettra de faire des mesures encore plus précises et de débusquer de nouvelles étoiles présentant un intérêt pour étudier le trou noir supermassif. La mise en service prochaine de l'Extremely Large Telescope (ELT) devrait permettre d'atteindre un résultat spectaculaire.
« Grâce à la puissance combinée de Gravity+ et de l'ELT, nous serons en mesure de déterminer à quelle vitesse le trou noir tourne. Personne n'a été en mesure de le faire jusqu'à présent », conclut en fin du communiqué de l'ESO Frank Eisenhauer, chercheur principal de la collaboration Gravity et en poste au MPE en Allemagne.
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