La sonde Juno apporte la preuve d’une reconnexion magnétique entre Jupiter et Ganymède
La sonde Juno apporte la preuve d’une reconnexion magnétique entre Jupiter et Ganymède 1-231
En juin 2021, le vaisseau spatial Juno de la NASA s’est approché de Ganymède, la plus grande lune de Jupiter, et a survolé sa magnétosphère. Les données d’observation ont montré des signes de reconnexion magnétique – un processus via lequel les lignes de champ magnétique sont capables de fusionner et de se réorienter.
Ganymède est le plus gros satellite naturel de Jupiter et le plus gros de tout le Système solaire. C’est aussi le seul satellite de notre système à posséder son propre champ magnétique. Il résulte probablement de mouvements de convection dans le cœur ferreux de cet objet. Cette magnétosphère s’intègre toutefois dans le champ magnétique de Jupiter, qui est beaucoup plus puissant. Tous deux sont connectés via des lignes de champ. « La rupture et la reconnexion des lignes de champ magnétique de Ganymède avec celles de Jupiter créent des feux d’artifice magnétosphériques », a déclaré Scott Bolton. Il est chercheur principal de la mission Juno, au Southwest Research Institute (SwRI).

Des flux d’électrons accélérés et alignés
La reconnexion magnétique est un processus physique explosif. Il convertit l’énergie magnétique stockée en énergie cinétique et en chaleur. Ceci entraîne l’accélération et le chauffage des particules chargées environnantes. Une telle reconnexion magnétique devrait se produire lorsque la mini-magnétosphère de Ganymède interagit avec la magnétosphère massive de Jupiter, dans une zone appelée magnétopause. C’est la frontière entre les deux régions.
Bolton et ses collaborateurs ont utilisé les données relayées par Juno. Pour cela, ils ont utilisé l’expérience JADE (Jovian Auroral Distributions Experiment) embarquée à son bord. Ils ont ainsi pu examiner le comportement des particules (électrons et ions) et des champs magnétiques, lorsque les lignes de champ de Jupiter et de Ganymède fusionnent, se brisent et se réorientent. Les chercheurs peuvent donc identifier potentiellement les preuves physiques du phénomène de reconnexion magnétique.
La sonde Juno apporte la preuve d’une reconnexion magnétique entre Jupiter et Ganymède 1-232
Interprétation de la topologie magnétique et de la direction du flux d’électrons pour deux scénarios de reconnexion différents à la magnétopause en amont de Ganymède. La ligne pointillée jaune indique la trajectoire de Juno. Crédits : Ebert et al., Geophysical Research Letters (2022)
Ils rapportent avoir observé des flux d’électrons accrus. C’est particulièrement vrai pour des électrons accélérés (jusqu’à 2-3 keV/q) et alignés sur le champ magnétique au niveau de la magnétopause de Ganymède. Les scientifiques considèrent cela comme la preuve qu’une reconnexion magnétique s’est produite au passage de la sonde Juno. « Ces observations renforcent l’idée que la reconnexion magnétique à la magnétopause de Ganymède peut être un moteur des processus dynamiques dans l’environnement spatial local autour de cette lune », explique Robert Ebert. Il est l’auteur principal de l’article décrivant les résultats.
Une reconnexion entre Jupiter et Ganymède liée aux aurores polaires
Avant Juno, la sonde Galileo, lancée par la NASA en 1989, est la seule à s’être placée en orbite autour de Jupiter. Elle y est restée pendant huit ans (de 1995 à 2003). Le premier des six survols rapprochés de Ganymède, réalisé en 1996, a permis la découverte du champ magnétique de ce satellite. « Les observations de Galileo ont révélé des rotations brusques dans l’orientation du champ magnétique. Il a aussi observé des variations de l’amplitude du champ magnétique et des changements brusques dans les propriétés énergétiques des particules, des ondes plasma et du plasma thermique [au niveau de la magnétopause] », relatent les chercheurs. Ces caractéristiques suggéraient une reconnexion magnétique.

On a lancé la sonde Juno en 2011. Elle est en orbite autour de Jupiter depuis juillet 2016. Le 7 juin 2021, elle a survolé de près Ganymède (jusqu’à 1046 km de la surface). Ce survol comprenait une traversée claire de la magnétopause en amont de Ganymède sur le segment sortant de son transit. C’est là qu’on a observé des preuves de reconnexion magnétique. « Les électrons à contre-courant observés des deux côtés de la magnétopause suggèrent la présence de multiples sites de reconnexion, tant au nord qu’au sud du vaisseau spatial », précisent les chercheurs.
Les scientifiques pensent que cette reconnexion est liée à la génération des aurores qu’on observe autour des pôles du satellite. « Les électrons accélérés que JADE a observés sont similaires à ceux observés par le vaisseau spatial MSS (Magnetospheric Multiscale) de la NASA pendant la reconnexion à la magnétopause de la Terre », explique le Dr Stephen Fuselier. Il est chercheur au SwRI et co-auteur de l’article.
Un avant-goût des futures missions vers Jupiter
Ainsi, JADE a mis en évidence l’aspect universel du phénomène de reconnexion magnétique. Malgré les grandes différences qui existent entre Ganymède et notre planète, ils présentent des points communs liés à ce processus physique. « Il s’agit de la première mesure de cette interaction compliquée sur Ganymède. Cela nous donne un avant-goût très alléchant des informations que nous attendons de la mission JUICE de l’ESA », a déclaré Thomas Greathouse, scientifique de la mission Juno au SwRI.

La mission JUICE (JUpiter ICy moons Explorer), dont le lancement est prévu pour avril 2023, est la prochaine grande mission de l’Agence spatiale européenne. Ce sera la première fois qu’une sonde exclusivement européenne voyagera dans le système solaire externe. Comme son nom l’indique, cette mission est dédiée à l’observation des lunes de Jupiter, notamment Ganymède, Europe et Callisto. Arrivée dans le système jovien prévue en juillet 2031.
Le SwRI a construit deux autres spectrographes ultraviolets (similaires à celui embarqué sur Juno). Ils serviront à examiner plus avant la magnétosphère de Jupiter et de Ganymède. L’un sera transporté par la sonde JUICE, l’autre se trouvera à bord d’Europa Clipper. C’est une sonde que la NASA a développée. La NASA devrait la lancer en octobre 2024, pour arriver sur Jupiter en 2030.



Source: sites Internet