Plus malins qu'on ne le pensait, les Néandertaliens savaient fabriquer une colle à base de goudron de bouleau
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Image d'illustration. Des Hommes de Néandertal (Homo neanderthalensi) confectionnant des outils.
Les résultats d'une étude, menée sur des outils confectionnés par des Hommes de Néandertal à l'aide de goudron de bouleau il y a 200 000 ans, remettent en question la notion selon laquelle les Hommes modernes ont été les premiers à mettre au point des processus de fabrication complexes.
Non, les Hommes de Néandertal (Homo neanderthalensi) n'étaient pas des êtres primitifs. C'est en tout cas ce qu'ont montré les récentes études réalisées par les paléontologues sur ces hominidés longtemps dépeints comme inférieurs, alors qu'ils possédaient, semblerait-il, des capacités cognitives avancées, similaires à leurs contemporains les Hommes modernes (Homo sapiens).
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En témoignent les dernières recherches en date sur le sujet, publiées dans la revue Archaeological and Anthropological Sciences le 22 mai 2023 : des chercheurs de l'université Eberhard Karls de Tübingen (Allemagne) sont parvenus à démontrer que les Néandertaliens utilisaient des processus complexes pour la fabrication de leurs outils et de leurs armes. Plus précisément, pour la confection du goudron de bouleau, employé comme adhésif entre les pierres et les os ou le bois des manches.
Le goudron de bouleau, plus vieille substance synthétisée
Autrefois, la capacité à manipuler des matériaux pour les employer comme outils était considérée comme l'un des attributs principaux de l'intelligence humaine. Mais depuis que des animaux ont été observés en train de faire de même, la faculté à synthétiser des substances et matériaux introuvables dans la nature est devenue l'un des aspects les plus importants de cet avantage cognitif, comme un signe unique du comportement intelligent humain. Pour cause, "elle nécessite une réflexion, une planification et une compréhension sensibles de nos actions pour convertir les matières premières par un processus appris", expliquent les auteurs des nouvelles recherches dans un communiqué.
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Le goudron de bouleau est ainsi, selon les chercheurs, la plus ancienne substance synthétique conçue par les premiers Hommes. Il est obtenu par la pyrolyse du bois (aussi appelée distillation), c'est-à-dire sa décomposition chimique grâce à une augmentation importante de sa température. Or, les plus anciens artefacts retrouvés avec cette colle — qui a l'avantage d'être résistante à l'eau et à la décomposition organique, une aubaine pour les archéologues — ne sont pas associés aux Hommes modernes, mais aux Hommes de Néandertal dès le Paléolithique moyen.
Technique de production souterraine "de pointe"
Seulement, les scientifiques pensaient jusque-là que les Néandertaliens obtenaient ce fameux goudron de façon opportuniste ou avec des méthodes simples de l'âge de pierre, en grattant la substance sur les roches après un incendie fortuit, par exemple. Mais l'étude ici réalisée montre qu'ils en ont fait d'une autre manière.
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Ses auteurs se sont pour cela lancés dans de l'archéologie expérimentale : ils ont recréé cinq techniques différentes d'extraction de goudron de bouleau, deux en surface et trois en sous-sol. La substance obtenue a ensuite été analysée et comparée (par des techniques de spectroscopie infrarouge, de chromatographie en phase gazeuse, de spectrométrie de masse et de tomographie assistée par ordinateur) aux "traces" chimiques extraites sur les vieux artefacts, qui en comportaient quant à eux une version bien plus ancienne.
La colle de ces objets millénaires, ont finalement découvert les chercheurs, a été obtenue par une méthode bien plus efficace qu'ils ne l'imaginaient : une technique de transformation souterraine plus délicate à exécuter que celles en surface, "un processus par étapes de distillation limitée à l'oxygène du chauffage souterrain pour extraire l'adhésif synthétique", écrivent-ils. Pour simplifier, du goudron était distillé dans un environnement souterrain — des sortes de "fours en terre" — créé intentionnellement pour limiter la circulation de l'oxygène et rester invisible pendant le procédé.
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"Première manifestation documentée de ce type dans l'évolution humaine"
Compte tenu de la complexité de ce savoir-faire néandertalien, qui précède de 100 000 ans celui connu pour l'Homme moderne, il est probable que cette production du goudron de bouleau n'ait pas vu le jour spontanément, mais à force d'expérimentations, sur la base de méthodes antérieures plus simples. Elle donne toutefois un aperçu édifiant des capacités remarquables des Hommes de Néandertal.
Il n'y a que quelques autres techniques de transformation qui peuvent être comprises pour documenter l'évolution culturelle à un degré similaire. Le traitement thermique de la pierre pour la taille des outils en fait partie. Alors que [celui-ci] est antérieur en Afrique [...], il a été démontré qu'en Afrique du Sud, il n'impliquait pas de processus souterrains invisibles. Ainsi, si les dates [...] d'environ 200 000 ans sont correctes, la fabrication de goudron de bouleau de Néandertal semble être la première manifestation documentée de ce type dans l'évolution humaine.

Pour les chercheurs à l'origine de l'étude, cette découverte remet donc en question notre perception de l'intelligence humaine "moderne" et de son caractère exceptionnel. De plus en plus de preuves archéologiques vont d'ailleurs dans ce sens, soulignent-ils, appuyant une à une le fait que les Néandertaliens pouvaient utiliser diverses méthodes complexes de fabrication — alors qu'il a longtemps été imaginé qu'elles étaient l'apanage de nos ancêtres, seuls survivants du genre Homo.
D'autres recherches récemment publiées par l'université de Cambridge (Angleterre) suggèrent que l'Homo neanderthalensi et l'Homo sapiens auraient aussi partagé des capacités cognitives liées au feu — "différentes formes de pensée causale, de transmission culturelle et de répétition, ainsi qu'une coopération dans la collecte et la gestion du feu", développent-ils — ce qui pourrait laisser entendre que "ces capacités peuvent avoir précédé la scission évolutive entre les espèces il y a plus de 500 000 ans". Une étude qui, encore une fois, rend à Néandertal une forme d'intelligence auparavant minimisée.



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