Laghouat El Hadj Moussa, l’homme à l’Ane
Ce personnage contemporain de l’Emir Abdelkader, égyptien installé en Algérie vers 1827, pourrait bien être à l’origine du proverbe « Moussa El Hadj, El Hadj Moussa ».
Il est très connu et très peu présent dans les ouvrages d’histoire. Le seul écrit qui lui est consacré nous vient de El Hadj Kara, mufti de la ville de Dellys au début de la colonisation, qui l’avait connu personnellement. Son récit est traduit par l’officier Gorguos et repris dans le premier numéro de la Revue Africaine.
Né en Egypte, El Hadj Moussa Ben Hassan perd ses parents alors qu’il est très jeune et sera élevé par son grand-père, El-Hossaïn-el-Djoundi-el-Razzi, qui l’enrôlera ensuite dans les troupes de Méhemet-Ali. Il fera partie de celles qui assiégeront, pendant deux années, le pacha des Arnautes (les Albanais). Suite à ces événements, il retourne au Caire, puis se sauve à tripoli.
Epoque difficile pour Moussa Ben Hassan qui n’a, souvent, rien à manger. Mais sa rencontre avec le cheikh tripolitain, Mohammed-el-Madani, dans sa zaouïa, va changer sa vie. Après un mois passé en sa compagnie, le cheikh lui ordonne d’aller parcourir l’Occident en missionnaire.
Deux années plus tard, El Hadj Moussa arrive à Mascara. Après moult péripéties, il se rend
à Laghouat où il s’attache à la mosquée des Lahllafs, une des deux tribus Maghraouas de cette oasis; il y remplit l’office de moueddin, appelant aux cinq prières, avec les modulations vocales usitées dans l’Orient. Ce chant étranger plait beaucoup aux gens du pays qui lui apportent sa nourriture dans la mosquée où il loge.
Peu de temps après l’arrivée des troupes française à Alger, El Hadj Moussa reçoit une lettre du cheikh El-Madani qui lui ordonne d’entreprendre les fonctions d’Initiateur. En zélé musulman, il prend un âne – d’où le surnom qu’on lui donne, Bouhmar- et part à la rencontre des Laghouati pour les inciter au djihad et pour les enrôler sous la bannière des Derkaoua, en répétant cent fois chacune des trois formules sacramentelles de la tariqa et en les faisant suivre des cinq prières légales.
Un cheikh de la confrérie de la Tidjania lui signifie clairement qu’il ne le suivra pas mais n’empêchera personne de le faire.
Moussa Ben Hassen devra se contenter de cette réponse et il ne gagne à sa cause qu’un homme nommé Mohammed dont il épousera la fille, en plus de Bou-Rhala et Ben-el-Hadj Abd-er-Rahman qui l’accompagnent depuis Tripoli.
Ces hommes prient ensemble et mangent en groupe lorsqu’on leur fait l’aumône d’un repas. Dans le cas contraire- c’est une année de disette- ils s’endorment le soir sur les nattes de la mosquée, le ventre vide. Mais pour que les voisins ne se sentent pas coupables de leur faim, Moussa Ben Hassen, allume un feu de ménage comme à l’ordinaire.
Cette même année, Moussa, accompagné de ses adeptes, se rend chez les Mozabites de Ghardaïa sur son âne, espérant vainement gagner à sa cause d’autres partisans. Il est contraint de retourner à Laghouat où d’autres habitants le suivront.
Entre 1833 et 1834, il est à Blida. Sa rencontre avec El-Hadj-el-Seghir-ben-Sidi-Ali-ben-Embarak et Mohamed El Berkani Ben-Sidi-el-Kebir-ben-Youcef qui prêchent la guerre sainte dans le Tell et le Sahara le confortent dans ses convictions. Il réussi à enrôler beaucoup de monde autour de lui et constitue un contingent composé des gens du Sahara, de Laghouat, des ksours et des tribus du Tel, auxquelles se joindront celles qui entourent Médéa, du Titteri. Réunis au lieu-dit Bsal (près de Médéa), leur objectif est d’attaquer les Français et de s’emparer d’Alger. Mais après sa défaite, suite à un combat à Médéa et un autre contre l’Emir Abdelkader, El Hadj Moussa retourne à Laghouat où il est désormais très vénéré pour sa pratique rigoureuse de l’islam et de la sunna.
Désormais, il mène un train de vie confortable au Ksar de Messad où on lui a construit une maison que le général de Ladmirault fera détruire dans l’une des expéditions du Sud.
Il habitera aussi Beriane, près du Mzab où il bâti une mosquée.
Quelques années plus tard, lorsque cheikh Bouziane se soulève à Zaatcha, Moussa Ben Hassan a, dit-on, une apparition du Prophète qui lui ordonne de prendre les armes; il part donc se mêler à la lutte contre les Français, au moment où elle est le plus ardente. Il réussi à pénétrer dans la place et combat durant les vingt derniers jours du siège. Lors de l’assaut final, Moussa Ben Hassan partage le sort du cheikh Bouziane et meurt à ses côtés. Il a alors 53 ans et il s’en est écoulé vingt depuis son arrivée à Laghouat.
Ce personnage qui a fait partie de l’histoire, la grande autant que la petite, doit encore être bien connu dans la région de Laghouat. Des anecdotes sur lui doivent également subsister. Et tout porte à croire que l’expression populaire « Moussa El Hadj, El Hadj Moussa » serait apparu de son vivant ou juste après sa mort, tant il était important aux yeux de ses compagnons et partisans.
Synthèse Khadidja T.
Sources :
Revue Africaine, Volume 1, Année 1856
https://www.sidielhadjaissa.com
https://www.babzman.com/wp-content/uploads/2015/09/lagh.jpg?_ga=2.71645843.1638466844.1637962684-1293470595.1581641974