Amazighs de Libye : un paramètre méconnu, une irruption politique -inattendue-3


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Annexe IV
Communiqué du Congrès national amazigh libyen, Tripoli, 24 novembre 2011
55Considérant que la composition du nouveau gouvernement provisoire annoncé, le 22 novembre 2011, par le chef du gouvernement libyen de transition, Abdel Rahim al-Kib, a été faite sur une base discriminatoire, excluant de façon délibérée tous les Amazighs de Libye des régions de Adrar n Infusen, Zouara, Ghadamès, Oubari, Ghat, Oujila ainsi que les Amazighs du Sud (Touaregs), lesquels Amazighs forment la composante essentielle de l’identité libyenne,





56Considérant également l’échec de la réunion, organisée mercredi 23 novembre 2011, entre une délégation représentant l’ensemble des Amazighs de Libye et Mustapha Abdeljalil, président du CNT, réunion qui s’est soldée par le rejet des demandes légitimes de la délégation,
57Le Congrès national amazigh libyen (regroupant tous les Conseils amazighs locaux du CNT), considéré comme l’unique représentant légitime de l’ensemble des Amazighs de Libye, déclare le gel de tout contact avec le CNT jusqu’à satisfaction des revendications légitimes des Amazighs qui se résument à :
La formation d’un nouveau gouvernement provisoire dans lequel deux ministères régaliens seront attribués à des Amazighs ;
La répartition équitable des portefeuilles ministériels entre les Amazighs et les autres régions libyennes ;
L’abrogation de l’article 1 de la déclaration constitutionnelle rendue publique le 3 août 2011 et la consécration de la langue amazighe comme langue officielle aux côtés de la langue arabe.
Par ailleurs, le Congrès national amazigh libyen décide ce qui suit :
Le retrait de tous les représentants des Conseils locaux amazighs du CNT ;
La non-reconnaissance et le boycott du gouvernement d’Abdel Rahim al-Kib, illégitime et contraire aux déclarations mêmes de M. al-Kib avant sa formation, ainsi qu’aux principes de la Révolution du 17 février ;
La poursuite des manifestations et des rassemblements pacifiques et démocrat iques jusqu’à satisfaction des revendications légit imes des Amazighs ;
Enfin, le Congrès national amazigh libyen tient pour responsables devant l’Histoire le CNT et M. Abdel Rahim al-Kib quant aux conséquences que pourrait entraîner cette marginalisation qui vise les Amazighs.
Notes
On chercherait en vain la mention d’une opposition ou résistance berbère dans les « Chroniques Libye » de l’Annuaire de l’Afrique du Nord, publication de référence du CNRS sur cette aire. Les seules oppositions connues sont celles des milieux islamistes/traditionalistes ou des exilés politiques (plutôt des nationalistes de droite) et celles au cœur des conflits internes au régime qui aboutissent fréquemment à des purges, procès et exécutions spectaculaires.


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Ussan, 1982 ; Tifinagh, 1984, Tamazgha, 1988… Ces périodiques, émanant de groupes de militants exilés en France et en Angleterre, sont publiés sans mention d’éditeur ni de lieu ; ils sont présentés par S. Chaker, « Langue et littérature berbères : chronique des études », Annuaire de l’Afrique du Nord, vol. 20, 1982, p. 969-1019 ; vol. 22, 1985, p. 475-507 ; vol. 24, 1987, p. 337-378.
J. Lanfry, Ghadamès. I. Étude linguistique et ethnographique ; Ghadamès. II. Glossaire, Fort-National (Algérie), Fichier de documentation berbère, 1968 et 1973.
F. Beguinot, « Gli studi berberi dal 1919 al maggio 1922 », Rivista degli studi orientali, vol. 9, 1922, p. 382-408 ; Il Berbero nefûsi di Fassâto, Rome, Istituto per l’Oriente, 1942.
G. Buselli, « Berber Texts from Jebel Nefûsi (Žemmâri Dialect) », Journal of the Royal African Society, vol. 23, n° 92, 1924, p. 285-293.
F. Zanon, « Contributo alla conoscenza linguistico-etnografica dell’oasi di Augila », Africa italiana, vol. 5, 1933, p. 259-270.
Voir notamment L. Serra, « I dialetti berberi orientali (Rassegna degli studi e prospettive di ricerca) », Atti del Sodalizio Glottologico Milanese, n° 21, 1979, p. 23-34 ; « Il contributo italiano agli studi di berberistica », L’Universo : rivista di divulgazione geografica, vol. 64, n° 5, 1984, p. 634-642.
Voir par exemple V. Brugnatelli (dir.), Fiabe del popolo tuareg e dei Berberi del Nordafrica, Milan, Mondadori, 1994.
J. Despois, Le Djebel Nefousa (Tripolitaine). Étude géographique, Paris, Larose, 1935.
D. Bisson, J. Bisson et J. Fontaine, La Libye. À la découverte d’un pays. Tome 1. Identité libyenne ; Tome 2. Itinéraires, Paris, L’Harmattan, 1999.
Voir plus loin les extraits de discours de Kadhafi.
H. Bleuchot, « Chronique politique Libye », Annuaire de l’Afrique du Nord, vol. 19, 1981, p. 550.
T. Monastiri, « Chronique politique Libye », Annuaire de l’Afrique du Nord, vol. 20, 1982, p. 565.
Sur le Djebel Nefoussa, voir J. Despois, Le Djebel Nefousa…, op. cit. ; et les notices « Djebel Nefoussa » de J.-L. Ballais, J. Taïeb et K. Naït-Zerrad dans l’Encyclopédie berbère, Louvain, Peeters, 2012 (sous presse).
Sur ces îlots berbérophones du désert libyen, voir U. Paradisi, « El-Fg?ha, oasi berberofona del Fezzân », Rivista degli studi orientali, n° 36, 1961, p. 293-302 ; « Il linguaggio berbero di El-Fóg?ha (Fezzân). Testi e materiale lessicale », Annali del IUO di Napoli, n° 13, 1963, p. 93-126. Voir également les notices de Karl-Gottfried Prasse dans l’Encyclopédie berbère : « Sokni (Fezzan) », vol. 31 (édition provisoire), 1982, p. 1-3 ; « Awjili, parler berbère d’Augila », vol. 7, 1989, p. 1052-1055 ; « El Foqaha », vol. 19, 1997, p. 2886-2889.
L’ibadisme est un courant hétérodoxe minoritaire de l’islam qui, en Afrique du Nord, n’existe que chez les Berbères : Djebel Nefoussa en Libye, Djerba en Tunisie, Ouargla (quelques familles) et surtout Mzab en Algérie. Les Ibadites d’Afrique du Nord sont les héritiers du royaume kharijite de Tahert (776-909) qui se déployait sur une large bande steppique continentale, allant des Hautes plaines de l’Algérie occidentale (Tiaret) jusqu’au Djebel Nefoussa.
Voir J. Fontaine, « La population libyenne, un demi-siècle de mutations », in O. Pliez (dir.), La Nouvelle Libye. Sociétés, espaces et géopolitique au lendemain de l’embargo, Paris/Aix-en-Provence, Karthala/Iremam, 2004, p. 158-175.
Le mouvement d’exode économique et/ou politique des Touaregs a touché essentiellement les groupes du nord du Niger et du Mali, directement impactés par les sécheresses et/ou la répression militaire. L’Algérie, la Libye, le Tchad, et la Mauritanie ont été les principales destinations de ces migrations de la misère, qui ont son né l’effondrement définitif de la société nomade traditionnelle.
E. Grégoire, « Les relations politiques et économiques mouvementées du Niger et de la Libye », in O. Pliez (dir.), La Nouvelle Libye…, op. cit., p. 97-110.
Voir H. Bleuchot, « Chronique politique Libye », Annuaire de l’Afrique du Nord, vol. 19, 1981, p. 550.
Sur ce phénomène, voir A. Bourgeot, « Identité touarègue. De l’aristocratie à la révolution », Études rurales, n° 120, 1992, p. 129-162 ; « Révoltes et rébellions en pays touareg », Afrique contemporaine, n° 170, 1994, p. 3-19 ; Les sociétés touarègues. Nomadisme, identité, résistances, Paris, Karthala, 1995. Voir surtout les nombreux travaux de Hélène Claudot-Hawad : H. Claudot-Hawad, Les Touaregs. Portrait en fragments, Aix-en-Provence, Edisud, 1993 ; Hawad et H. Claudot-Hawad (textes réunis, traduits et présentés par), Touaregs, voix solitaires sous l’horizon confisqué, Paris, Ethnies, 1996 ; mais aussi, sous sa direction, le dossier « Les Touaregs. Exil et résistance », Revue du monde musulman et de la Méditerranée, n° 57, 1990 ; le dossier « Le politique dans l’histoire touarègue », Cahiers de l’Iremam, n° 4, 1993 ; Touaregs et autres sahariens entre plusieurs mondes, Aix-en-Provence, Edisud, 1996 ; Arabes ou Berbères ? Le tango des spécialistes, Aix-en-Provence/Paris, Iremam/Non Lieu, 2006.En ligne
L’expression fait référence au puissant mouvement de contestation kabyle du printemps 1980, qui peut être considéré comme la première revendication de masse, publique, en faveur de la langue et de la culture berbères. Sur le sujet, voir S. Chaker, Berbères aujourd’hui, Paris, L’Harmattan, 1998.
Amazigh = « berbère » en langue berbère, adjectif (berbère) et nom ([un] Berbère). Au féminin, on a tamazight =« berbère/[une] Berbère » et« langue berbère ». Au pluriel, Imazighen = « berbères/ Berbères ». Voir aussi note 36.
Art. 2 de la Constitution du 11 décembre 1969, modifiée le2 mars 1977.
Réforme éducative de 1974 : voir T. Monastiri, « Chronique sociale et culturelle », Annuaire de l’Afrique du Nord, vol. 13, 1975, p. 479.
Voir les quinzième, seizième et dix-septième rapports périodiques de la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste présentés au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies le 18 juin 2003, disponibles sur <unhchr.ch> (CERD/C/431/Add.5).
Discours du 7 octobre 2007.
G. Ebert et H.-G. Ebert, « Zu einigen Aspekten der Sprachsituation und -politik in der SLAVJ (Libyen) unter besonderer Ber ück sichtigu ng des Italien ischen », Zeitschrift f ür Phonetik, Sprachwissenschaft und Komunikation-Forsching, n° 3, 1987, p. 381-390, notamment p. 386.
[29]
F. Burgat et A. Laronde, La Libye, Paris, PUF, 1996, p. 64 sqq.
Ibid., p. 64.
On en trouvera une analyse historique critique magistrale par Yves Modéran sous la notice « Mythes d’origine des Berbères », Encyclopédie berbère, vol. 32, 2010, p. 5157-5169.
A. El Khadoury, « Les civilisations de la grande Jamahiriya », Dossiers d’archéologie, n° 167, 1992, p. 2-3.
Voir notamment l’ouvrage de Ali Fahmi Khachim, Lisân al-’arab – al-amazigh, Mu’jam ‘arabî-barbarî muqaran [= Dictionnaire arabe berbère comparé], Le Caire, Dâr Nûn, 1996.
Assassinat de Ali Yahia Maamar en 1970 ; disparition en 1981, après plusieurs arrestations, du Dr O. Nami ; tentative d’assassinat contre Saïd El Mahroug qui en restera handicapé à vie ; pendaison de Ferhat Ammar Hleb en 1985 à Zouara ; disparition de militants berbères s’étant rendus à Tizi-Ouzou en avril 1986… On peut trouver des informations nombreuses, plus ou moins précises, sur la répression antiberbère dans les rapports alternatifs présentés par les organisations berbères (libyennes et autres) devant le Comité des droits de l’homme ou le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies, ainsi que dans diverses autres sources (rapports annuels d’Amnesty International ; rapport sur la Libye du Département d’État américain, etc.).
Circulaire du 18 juin 1995 émanant du Bureau de liaison des Comités révolutionnaires.
Tamazight est le nom berbère de la langue berbère (voir note 23). La militance berbère, suivie par les institutions officielles algériennes et marocaines, emploie ces termes plutôt que la dénomination traditionnelle française « berbère » (et arabe : barbarî, barbariyya), jugée offensante puisqu’elle tire son origine du latin barbarus/barbari, « barbare ». Cet usage pose un problème d’accord grammatical car le mot tamazight est un féminin alors que les noms de langues sont toujours des masculins en français, d’où des emplois erratiques et une difficulté à mettre l’article masculin devant un mot perçu comme féminin. On entendra et lira souvent « parler/revendiquer tamazight… » au lieu de « parler/revendiquer le tamazight » comme l’exige la norme du français.
Les déclarations de F. Terbil, largement relayées par Imazighen Libya TV, sont consultables sur Internet.
C’est Tripoli qui a connu la mobilisation la plus forte – ce qui confirme la présence massive des Berbères dans cette ville. La manifestation la plus importante a eu lieu le dimanche 27 novembre 2011 : les manifestants ont marché jusqu’au siège du gouvernement provisoire et ont déployé le drapeau amazigh aux côtés du drapeau libyen dans la cour du siège du gouvernement. Le Premier ministre a dû descendre pour s’adresser aux manifestants avec un mégaphone, un drapeau amazigh sur les épaules. Cette manifestation s’est déroulée avec une organisation remarquable. La presse française a largement fait écho aux manifestations berbères de la période de septembre à décembre 2011, notamment le quotidien Le Monde.
Ce point demandera des recherches complémentaires, mais il semble bien que, contrairement à une opinion assez répandue, il n’y ait pas eu de rupture au cours de l’insurrection entre Berbères du Nord et Touaregs libyens. Il y a lieu sur ce plan de distinguer soigneusement entre Touaregs libyens (Kel Ajjer) et mercenaires touaregs (nigéro-maliens) enrôlés dans les troupes de Kadhafi.
Plus de détails sur le texte de cette lettre sont consultables dans M. Ferkal, « Lybie : une “réconciliation” voulue sur le dos des Imazighen… », <Tamazgha.fr>, 22 décembre 2010.
Ce lien idéologique étroit entre islamisme et arabisme, en Afrique du Nord, est solidement établi depuis longtemps : voir notamment A. Merad, Le Réformisme musulman en Algérie de 1925 à 1940. Essai d’histoire religieuse et sociale, Paris/La Haye, Mouton, 1967.
Les traductions sont celles de <Tamazgha.fr>.
Mis en ligne sur Cairn.info le 15/12/2012
https://doi.org/10.3917/polaf.125.0105










 

https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2012-1-page-105.htm?fbclid=IwAR0U6IyMO2Z55gByWOmyEyaKNJPeLf-9OC9CWfX4vCiIMBZXJhW_r-Yl-8o