Colonie de Roanoke

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Carte de la Virginie par John White

La colonie de Roanoke était la première colonie d'Angleterre en Amérique du Nord, située dans ce qui est aujourd'hui la Caroline du Nord, aux États-Unis. La colonie fut établie en 1585, abandonnée puis réinstallée en 1587; les colons n'avaient que peu d'égards pour leur nouvel environnement et furent rapidement en conflit avec les peuples qui habitaient déjà la région. Condamné à l'échec, ce projet colonial précoce manquait de planification et de soutien logistique adéquats. De plus, l'attaque d'un village amérindien et l'assassinat de son chef allaient envenimer les relations pour les générations suivantes. Le deuxième groupe de colons de Roanoke fut laissé à lui-même et lorsque les navires de ravitaillement, retardés, arrivèrent enfin, on ne trouva plus aucune trace d'eux, à l'exception d'un mot gravé sur un tronc d'arbre: "Croatoan". L'explication la plus probable du sort des colons est qu'ils furent tués par les autochtones de Roanoke désireux de libérer leur île de cette nuisance venue de l'Ancien Monde.
1584: Premiers contacts
L'Angleterre avait été bien distancée dans la course européenne à la colonisation des régions du monde nouvellement découvertes. Alors que les Espagnols étaient occupés à piller les Amériques et que les Portugais faisaient depuis longtemps du commerce en Afrique de l'Ouest, Élisabeth I d'Angleterre (r. 1558-1603) se contentait de financer les corsaires qui dévalisaient les navires espagnols transportant leur butin des Amériques. Cependant, en mars 1584, elle accepta finalement de tenter l'installation de colons dans la région que Sir Walter Raleigh (c. 1552-1618) nommera en son honneur la Virginie. Cette région, aujourd'hui la Caroline du Nord aux États-Unis, fut visitée par des Anglais au cours de l'été 1584, car Raleigh était impatient d'exploiter la licence de six ans accordée par Élisabeth pour établir une colonie du Nouveau Monde où les colons auraient les mêmes droits que n'importe quel citoyen d'Angleterre.
JOHN WHITE peignit LA COLONIE, LA FAUNE ET LES PEUPLES DE LA RÉGION, CRÉANT AINSI UN DOCUMENT PICTURAL INESTIMABLE QUI SUBSISTE ENCORE AUJOURD'HUI.
L'expédition de 1584, souvent appelée expédition Amadas-Barlowe du nom de ses deux chefs, explora la région et entra en contact avec une tribu locale dont le principal établissement se trouvait sur l'île de Roanoke. Les relations étaient amicales et la viande et le poisson étaient acquis en échange de tissu et de vin. Le chef local, un certain Wingina, offrit même aux Européens un grand festin. Deux braves de Roanoke se portèrent volontaires pour accompagner les explorateurs jusqu'en Angleterre: Manteo et Wanchese. De retour chez lui, Barlowe décrivit la Virginie comme une terre d'abondance avec des indigènes paisibles et il montra les peaux et les perles qu'il avait acquises par le biais du commerce. Il semblait que c'était un endroit qui méritait d'être exploré davantage et un excellent candidat pour que l'Angleterre y établisse sa première colonie permanente.
1585: La première colonie
Une fois de plus, Raleigh fut le maître d'œuvre du projet visant à extraire les richesses que tout le monde espérait trouver dans cette nouvelle terre. Malheureusement, dans l'optimisme typique de l'époque, les Européens n'avaient aucune idée des défis à relever et ne se souciaient pas du tout des peuples qui habitaient déjà la région. Ces deux erreurs allaient se combiner et conduire à l'échec final du premier projet de colonisation de l'Angleterre. Chemin faisant, il y eut de l'aventure, des difficultés, des morts mais aussi une pointe de mystère.

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Arrivée des colons sur l'île de Roanoke.

En 1585, l'aventurier Richard Grenville (1542-1591) se vit donc confier le commandement d'une petite flotte qui se rendit en Amérique du Nord avec un groupe de colons. Élisabeth ne fournit aucun soutien financier malgré la flatterie du choix du nom par Raleigh, mais elle fournit à l'expédition le navire Tyger de 160 tonnes. Grenville quitta Plymouth le 9 avril 1585 avec sa flotte de cinq navires, dont le Tyger était le plus grand. L'équipage comprenait le jeune Thomas Cavendish (1560-1592), qui ferait plus tard le tour du monde en 1586-88. Un autre nom célèbre est celui de John White (m. 1593), le célèbre cartographe et artiste qui cartographia et captura les curiosités de ce coin du Nouveau Monde et qui avait déjà accompagné Martin Frobisher dans sa recherche du passage du Nord-Ouest dans les années 1570. White peignit la colonie, la faune et la flore ainsi que les peuples de la région, créant ainsi un document pictural inestimable qui subsiste encore aujourd'hui. En effet, on pourrait dire que l'œuvre de White fut le seul succès de toute l'expédition. Les deux braves qui avaient accompagnés les anglais en Europe, Manteo et Wanchese, étaient également à bord.
AU DÉPART, IL Y AVAIT UN CERTAIN COMMERCE ENTRE LES COLONS EUROPÉENS ET LES INDIENS DE ROANOKE.
Les choses commencèrent plutôt mal lorsqu'une tempête à la mi-mai divisa la flotte et que Grenville, à bord du Tyger, fut emporté par le vent et se retrouva à Porto Rico. Quelques petits navires et ports espagnols furent alors pillés dans les Caraïbes - cela avait fait partie du plan dès le départ - afin d'aider à payer les frais de l'expédition. Après s'être regroupés et ravitaillés à Hispaniola, les trois navires se frayèrent un chemin dans les hauts-fonds difficiles des Outer Banks de la Caroline. À la mi-juillet, le Tyger s'échoua et l'eau de mer s'infiltra dans les réserves du navire, détruisant une grande partie des denrées alimentaires destinées aux colons. Les trois navires furent ensuite rejoints par les deux autres navires qui s'étaient également perdus dans la tempête.
Les colons, tous de sexe masculin, étaient dirigés par Ralph Lane (m. 1603) et, incapables d'atteindre le continent proprement dit, ils furent déposés sur l'île de Wokokan. Lane et Grenville n'avaient pas de bons rapports et les colons se déplacèrent vers l'extrémité nord de l'île voisine, Roanoke, lorsque le marin retourna en Angleterre pour aller chercher du ravitaillement. Lane se retrouva alors avec le plus petit navire, la pinnasse, avec lequel il put explorer la région. Au début, il y eut quelques échanges commerciaux entre les colons et les Indiens de Roanoke grâce à Manteo et Wanchese qui servirent d'intermédiaires. Les Indiens leur parlèrent également de ce qui semblait être des gisements d'or et de cuivre plus au nord. En utilisant la pinasse, Lane mena une exploration jusqu'à la baie de Chesapeake.

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Guerrier autochtone par John White

De retour à Roanoke, lorsque le printemps arriva et que les réserves de nourriture des colons se firent désespérément rares, les relations avec les indigènes se dégradèrent. Les colons étaient arrivés trop tard dans la saison pour cultiver leur propre nourriture - bien que peu d'entre eux aient eu quelque connaissance que ce soit en terme de cultivation de toute façon - et la perte des stocks due au naufrage du Tyger prenait maintenant toute son importance. Les Indiens ne voulaient ou ne pouvaient pas partager leurs maigres provisions, et les relations devinrent de plus en plus hostiles. Vers la mi-juin, Manteo informa Lane que les Indiens prévoyaient d'attaquer la colonie et c'est ainsi que Lane frappa le premier lors d'un raid qui tua le chef Wingina. Heureusement pour les Européens, une aide extérieure arriverait dans la semaine.
De son côté, Grenville, comme la plupart des marins élisabéthains, ne déclinait jamais l'opportunité de faire un peu de bénéfices si l'occasion se présentait. Au large des Bermudes, il captura le Santa Maria de San Vicente, un navire de 300 tonnes, sur le chemin du retour. La capture de sucre, d'ivoire et d'épices rembourserait tous les frais de l'expédition. L'été suivant, Grenville retourna en Virginie avec de nouvelles provisions pour la colonie, mais, à l'insu du navigateur, Lane et ses compagnons, totalement démunis, avaient déjà quitté la Virginie le 19 juin 1586 et étaient rentrés en Angleterre avec Sir Francis Drake qui revenait d'un de ses raids contre les Espagnols dans les Caraïbes. Grenville n'avait manqué leur départ que de quelques semaines. Grenville laissa 15 hommes et deux ans de provisions pour qu'ils puissent tenir jusqu'à l'arrivée de nouveaux colons, mais ces hommes ne furent jamais retrouvés.
1587: La "colonie perdue".
Malgré les vicissitudes de la première tentative de colonisation, l'intérêt anglais avait été éveillé par le retour des colons qui présentaient des nouveautés telles que le tabac et les pommes de terre. Par conséquent, en 1587, une deuxième expédition de colonisation vers Roanoke fut organisée, toujours sous la direction de Raleigh. John White devait être le gouverneur de la colonie et présider les 117 colons. Cette fois, le groupe comprenait des familles et se composait donc 89 hommes, 17 femmes et 11 enfants. Chaque famille ou homme recevrait au moins 500 acres de terre qui lui seraient donnés par la Couronne (on supposait que ce territoire appartenait à Élisabeth en l'absence de toute autre présence européenne. Les droits des autochtones n'étaient pas pris en compte). L'idée était de choisir un nouveau site dans la région de la baie de Chesapeake, mais comme les équipages des navires de l'expédition étaient plus enclins à se faire corsaires dans les Caraïbes plutôt qu'à naviguer sur de minables routes maritimes, les colons furent déposés sur l'île de Roanoke le 22 juillet 1587. Naturellement, les Indiens de Roanoke n'avaient ni pardonné ni oublié le raid de Lane sur leur village et le meurtre de leur chef en 1585; il n'y avait donc aucun espoir pour ces nouveaux colons d'établir un partenariat commercial pacifique. Cela devint douloureusement évident lorsqu'un colon, George Howe, fut retrouvé mort sur la plage le 28 juillet.

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Village de Secoton par John White

En août, les colons demandèrent à ce que White retourne en Angleterre en personne afin de persuader le gouvernement d'envoyer d'urgence des provisions. White accepta, même si cela signifiait qu'il devait quitter sa famille, y compris sa petite-fille, Virginia Dare, la première colonisatrice anglaise à être née en Amérique. White retourna donc en Angleterre, accompagné d'un Indien en octobre 1587, mais ce n'est qu'en avril 1588 qu'il put repartir pour Roanoke avec deux navires de ravitaillement. Malheureusement, les deux navires se heurtèrent à un navire espagnol et furent obligés de retourner en Angleterre. L'Armada espagnole lança alors sa célèbre attaque sur l'Angleterre et tout plan pour venir en aide à Roanoke fut reporté à 1590. Lorsque White revint finalement dans la colonie le 16 août 1590, il n'y avait plus aucune trace des colons dans la colonie abandonnée, à l'exception d'un mot gravé sur un tronc d'arbre: "Croatoan". Il s'agit du nom d'une île située à environ 80 kilomètres de là, ce qui suggère que les colons avaient décidé de s'y installer, peut-être pour plus de sécurité. White ne put explorer cette île à cause des tempêtes et fut obligé de retourner en Angleterre. On ne peut qu'imaginer sa frustration à la pensée de devoir abandonner sa famille. La colonie de Roanoke fut alors connue sous le nom de "colonie perdue". Personne ne sut jamais le sort final que les colons de Roanoke avait connu mais l'explication la plus probable est qu'ils furent tués, à un moment ou à un autre, par des autochtones pour se venger de l'agression de Lane en 1585.
Héritage et rumeurs
Thomas Hariot (1560-1621), l'un des colons de 1585, écrivit un récit de ses expériences dans A Brief and True Report of the New Found Land of Virginia. Ce rapport fut publié en 1588 et traduit en français, en allemand et en latin; il contribua à persuader les autorités que l'Amérique du Nord pouvait être une source de richesse et pas simplement servir de base pour attaquer les navires espagnols. Le rapport comprenait également 23 dessins de John White et préserva ainsi pour la postérité cette vision précoce des autochtones dans la région, tout en fournissant des cartes de navigation et des informations sur la flore et la faune locales. Enfin, l'échec de la colonie de Roanoke poussa peut-être Walter Raleigh à tenter l'exploration par lui-même. Sa première expédition à la recherche de l'El Dorado en Amérique du Sud en 1595 fut peut-être motivée par la nécessité de rétablir sa position à la cour d'Élisabeth.
Les colons anglais reviendraient bien sûr en Amérique du Nord, d'abord avec la fondation de Jamestown en Virginie en 1607, puis avec les pèlerins du Mayflower, qui établiraient la colonie de Plymouth dans le Massachusetts en 1620. Les colons de Jamestown tentèrent de découvrir ce qu'il était advenu des colons de Roanoke en 1608; des rumeurs circulaient parmi les autochtones au sujet d'un groupe de personnes à la peau claire et aux cheveux clairs vivant au sud, mais rien de concret ne fut jamais découvert. Un colon de Jamestown, William Strachey, rapporta dans son History of Travel in Virginia Britannia de 1612 que les colons de Roanoke avaient tenté de s'établir sur le lieu de leur destination initiale, dans la région de la baie de Chesapeake, mais qu'ils y avaient été tués par les tribus locales. Une autre rumeur raconta que sept colons auraient survécu à ce massacre et auraient ensuite vécu avec des autochtones plus au sud mais, là encore, aucune preuve tangible ne fut jamais découverte, même si une tribu locale, les Lumbee, affirme dans son histoire ancestrale que c'est bel et bien ce qui arriva aux derniers membres de la "colonie perdue". Enfin, des recherches menées par des archéologues de la région, depuis 2010 ont mis au jour des artefacts qui suggèrent que les colons s'intégrèrent aux tribus indigènes locales.


The Mysterious Disappearance of Roanoke Colony


Bibliographie
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Traducteur
Babeth Étiève-Cartwright
Babeth a enseigné l’anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l’anglais et l’italien et a 25 ans d’expérience dans le domaine de l’éducation. Elle aime voyager et découvrir la langue, l’histoire et le patrimoine culturel des différents pays qu'elle visite.

Auteur
Mark Cartwright
Mark est un auteur d'articles historiques installé en Italie. Il s'intéresse plus particulièrement à la poterie, à l’architecture, aux mythologies du monde et à la découverte des idées partagées par toutes les civilisations. Il est titulaire d’un Master en philosophie politique et éditeur en chef de WHE.




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