Takoushit : une princesse-prêtresse égyptienne-éthiopienne à Athènes
Takoushit : une princesse-prêtresse égyptienne-éthiopienne à Athènes 11248
Cette statue de cuivre et de bronze, avec incrustations de métaux précieux, est l'une des pièces maîtresses de la collection égyptienne du Musée Archéologique National d'Athènes.
Haute de 69 cm, datée de la Troisième Période intermédiaire, (XXVe dynastie, vers 670 av. J.-C.), elle est à l'image de la princesse Takoushit qui exerçait également les fonctions de "prêtresse ouab" (pure)…
Son nom, qui signifie "l'Éthiopienne", peut "faire référence à sa relation ou à son mariage avec un Éthiopien. Son père était Akanosh (Akanuasa) II, grand chef de la tribu Ma de Libye".
Elle est représentée debout, dans l'attitude conventionnelle de la marche, jambe gauche avancée. Ses pieds nus, aux ongles des orteils incrustés de métal brillant, reposent sur une base qui n'est pas celle d'origine …
Son visage, rond, est celui d'une femme mûre. Ses grands yeux ont partiellement perdu l'incrustation d'ivoire qui les animait et les sourcils sont, eux aussi, privés de ce qui les remplissait… Le nez est petit, de même que la bouche. Sa perruque, originale, attire le regard : courte et dégradée, elle couvre une grande partie du front de même que les oreilles. Elle est composée de multiples mèches, travaillées séparément, sur des niveaux différents, le tout générant un volume étudié et harmonieux.
A son cou est accroché un magnifique collier ousekh composé de rangées de perles différentes, rondes, en forme de lotus ou de gouttes, alors qu'au centre se déploie un délicat scarabée ailé. De larges bracelets ornent ses poignets.
Son anatomie révèle une apparence plus "jeune" que celle que ne laissait supposer le visage, ce que Gaston Maspero traduit ainsi "le corps représente, selon la tradition des écoles égyptiennes, un corps de jeune fille, élancé, ferme, souple".
Son bras droit est pendant alors que le gauche est replié sous la poitrine. Son poing au pouce tendu est fermé. L'objet qu'elle serrait a malheureusement disparu. Si l'on se réfère à l'iconographie habituelle, il pourrait s'agir du sceptre végétal souple ou bien d'un collier menat.
Sa robe moulante révèle ses formes : sa jolie poitrine tout comme le galbe de ses hanches, le léger creux du nombril tout comme la fermeté des cuisses… Mais le sculpteur ne s'en est pas tenu là : il a réalisé un véritable "travail d'orfèvre" en la rehaussant d'inscriptions hiéroglyphiques, de symboles, de scènes religieuses, de mentions de divinités qui sont autant de "broderies" aux reflets chauds : "Le vêtement long et transparent est entièrement décoré de motifs incisés remplis de fils de métal précieux" précise le Musée d'Athènes.
Dans "Gifts for the Gods", Marsha Hill, et Deborah Schorsch analysent ainsi sa composition : "Le décor marqueté est divisé en cinq zones : le haut du corps et quatre larges bandes horizontales. Les zones sont définies par quatre bandes plus étroites entre les deux, qui entourent la taille, les hanches, les cuisses et les genoux. Les bandes étroites portent des inscriptions hiéroglyphiques qui se lisent vers l'extérieur dans chaque direction à partir du centre, à l'exception de la bande la plus basse, qui se lit à gauche autour de la figure ; il s'agit notamment de la formule funéraire (hetep-dinesut). L'inscription d'offrande est faite au nom de la princesse et prêtresse waab Takushit, fille d'Akanosh, grand chef des Ma, à certaines divinités nommées ; la table d'offrande sur sa jambe avancée indique que cette offrande s'étend à toutes les divinités représentées". Une "lecture" plus poussée les a amenées à conclure que : "Les inscriptions font référence à Takushit comme un 'Osiris' ou comme 'justifiée', c'est-à-dire l'un des défunts honorés. Ce fait renforce l'hypothèse selon laquelle la statue avait deux usages : un cérémonial, comme pièce d'équipement du sanctuaire du vivant de Takushit, et un funéraire, comme équipement pour son culte dans le temple après sa mort."
Aucune indication précise du lieu où elle officiait n'est mentionnée … Gaston Maspero pensait qu'elle pouvait provenir de "Behbeit"ou de "Boubastis" "mais sans fournir la moindre justification". Cependant, la plupart des sources indiquent - au "conditionnel" - qu'elle aurait été trouvée dans le Delta, à l'est du Lac Mariout, à Kom Tourougka (Kom-Toruga), près du village de Chos …
Elle a été acquise en 1880 à Alexandrie - peut-être auprès de Marius Panayiotis Tano - par le collectionneur grec Ioanis Dimitriou (Demetriou) que le "Who was Who" présente ainsi : "Né à Lemnos, il s'est installé à Alexandrie où il est devenu financier ; il rassembla une collection de 3 406 antiquités égyptiennes dont dix momies d'Akhmim et 3 625 pièces qu'il donna au Musée national d'Athènes de 1880 à 1887".
L'année de son acquisition, grâce à ce généreux donateur, Takoushit a traversé la Méditerranée et est entrée au Musée d'Athènes où elle a été référencée "NAM ΑΙΓ 110.".
marie grillot
Illustration : Statue de la princesse, prêtresse Takoushit - alliage de cuivre avec incrustations de métaux précieux - fin de la XXVe dynastie - vers 670 avant J.-C. - découverte en 1880, en Basse-Égypte, sur la colline de Kom-Tourougka, près du lac Mariout, au sud d'Alexandrie - acquise par Ioannis Demetriou à Alexandrie - Musée Archéologique National d'Athènes - NAM ΑΙΓ 110 (par donation en 1880) - National Archaeological Museum, Athens
sources de l'article et illustrations complémentaires sur egyptophile
https://egyptophile.blogspot.com/.../takoushit-une...