La croyance chinoise aux fantômes était fortement influencée par leur pratique du culte des ancêtres et par la croyance que les défunts continuaient d'exercer une influence puissante sur la vie des gens. Comme dans les autres cultures mentionnées, les esprits des morts pouvaient profiter aux vivants à moins qu'il n'y ait eu des manques dans les funérailles ou les rites funéraires ou que les morts n'aient été dispensés de ciel pour revenir redresser un tort. Le Festival des fantômes, qui fut créé pour honorer et apaiser les morts, continue d'avoir lieu le quinzième jour du septième mois de l'année. Connu sous le nom de « Mois des Fantômes », cette période est considérée le moment où le voile entre le royaume des vivants et celui des morts est plus mince et que les morts peuvent facilement traverser (comme le concept celtique de Samhain et le festival mésoaméricain connu sous le nom de « Jour des morts »). Pendant la Fête des Fantômes, les gens laissent de la nourriture et des cadeaux aux morts pour les apaiser et les honorer dans l'espoir qu'ils resteront dans leur propre royaume et qu'ils ne dérangeront pas les vivants.
Festival des fantômes, Chine
L'au-delà chinois était considéré comme un voyage dans lequel l'âme devait traverser un pont sur un abîme où elle était jugée. Si l'âme était jugée digne, elle continuait, s'arrêtait dans un pavillon pour regarder derrière elle, une dernière fois, la terre des vivants, puis buvait une tasse d'un breuvage appelé Soupe Mengpo qui lui faisait oublier entièrement son ancienne vie. La tradition des fantômes de Chine diverge à ce stade sur ce qui arrivait ensuite à l'âme; selon certaines œuvres, l'âme passait au ciel, tandis que selon d'autres, elle était réincarnée. Si l'âme était trouvée indigne en traversant le pont vers l'au-delà, elle glissait vers l'enfer où elle restait. Dans les deux cas, on ne s'attendait pas à ce que l'âme retourne au pays des vivants et, si une le faisait, et ce n'était pas un ancêtre apparaissant dans un rêve avec un avertissement ou un conseil, il était certain qu'une sorte de force maléfique était impliquée.
Ceci est illustré dans l'histoire de Ning Caicheng et Nie Xiaoqian du livre de contes de l'écrivain Pu Songling écrit en 1680 EC. L'histoire en soi est considérée beaucoup plus ancienne que le recueil de contes et raconte l'histoire de la visite de Ning à un temple où il reçut la visite du fantôme de la jeune fille Nie. Elle essaya de le séduire, mais il résista en raison de sa croyance en une conduite vertueuse. Deux autres voyageurs qui étaient venus au temple furent retrouvés morts le lendemain matin, vidés de leur sang et avec des trous percés dans la plante de leurs pieds. Nie en vint à respecter la vertu de Ning qui résistait à ses avances et lui dit qu'elle était morte dans le temple quand elle n'avait que 18 ans et qu'elle était tombée sous le contrôle d'un démon qui habitait le sol où elle avait été enterrée. Ce monstre lui avait demandé de séduire les voyageurs et de les vider de leur sang qu'elle lui remettait ensuite . Ning exhuma les restes de Nie et les transporta chez lui où il les ensevelit près de sa maison et versa une libation sur sa tombe en signe de respect et d'honneur. Après avoir accompli les rites funéraires appropriés pour la jeune fille, il se détourna de la tombe pour partir, mais elle l'appella, et il découvrit qu'elle avait été rendue à la vie en raison de sa conduite vertueuse et de ses efforts pour l'enterrer correctement. Ning et Nie se marièrent et, au fil de l'histoire, vécurent heureux avec leurs enfants.
Les histoires de fantômes chinoises proposent souvent une morale similaire à la légende de Ning et de Nie et mettent l'accent sur le comportement vertueux et la gentillesse envers les autres. Confucius lui-même croyait en l'efficacité de l'histoire de fantômes parce qu'il sentait que les leçons tirées des rencontres surnaturelles pouvaient inculquer des vertus appropriées au vivant. Il estimait que cela était même vrai pour les rencontres avec les soi-disant fantômes affamés, qui étaient des esprits dont les parents avaient oublié leurs devoirs de respect et de mémoire ou les esprits de ceux qui avaient été assassinés mais dont les tueurs n'avaient pas été traduits en justice. On pensait que les fantômes affamés avaient reçu une dispense spéciale de la part des dieux pour tourmenter les vivants jusqu'à ce qu'ils aient reçu leur dû. Le fantôme affamé pouvait tourmenter l'esprit des vivants ou habiter la maison et se comporter comme le font les célèbres poltergeist.
Cela était également vrai en Inde où les fantômes des défunts étaient considérés comme une sorte de fantômes affamés. En Inde antique (et moderne), les fantômes étaient connus sous le nom de bhoots et apparaissaient comme des humains, mais avec les pieds à l'envers et pouvaient changer d'apparence sans avertissement. On pense que les pieds étaient à l'envers pour symboliser que quelque chose avait mal tourné, que l'esprit était dans un état non naturel. Les bhoots se matérialisaient quand la personne mourait avant son heure. Comme ils n'avaient pas pu jouir de la plénitude de leur vie, ils retournaient sur terre dans l'espoir de posséder le corps d'une personne vivante. La possession des fantômes, y compris l'esprit réanimant son propre cadavre, était une grande préoccupation en Inde antique, et certains savants soutiennent que cela avait conduit à la pratique de l'incinération des morts. Si un corps était incinéré, l'esprit ne pouvait pas revenir pour le réanimer, et la combustion de certaines épices, ainsi que l'utilisation d'amulettes et de prières, pouvait protéger le vivant de l'esprit qui en prenait possession après avoir constaté qu'il ne pouvait pas habiter son cadavre à nouveau.
IL Y A DES HISTOIRES IMPLIQUANT DES RÉGIONS, DES MAISONS ET MÊME DES VILLES HANTÉES OÙ LES FANTÔMES ÉTAIENT PRÉSENTS DEPUIS DES SIÈCLES.
Puisque ces esprits étaient morts avant leur temps imparti, ils étaient très malheureux et généralement en colère. On pensait que les fantômes causaient de multiples problèmes lorsqu'ils se manifestaient physiquement, mais, comme dans d'autres cultures, ils étaient considérés comme bénéfiques lorsqu'ils apparaissaient en rêve et pouvaient être reconnus comme l'esprit de quelqu'un que le rêveur avait connu, en particulier d'un parent. Un bhoot particulièrement dangereux était connu sous le nom de churail, qui était l'esprit d'une femme décédée en couches. Ils pensaient que l'on pouvait rencontrer ce fantôme à la croisée des chemins et des intersections et qu'il cherchait à se lier d'amitié avec les vivants. Si la personne vivante était une femme, le churail cherchait à voler ses enfants ou à essayer de posséder son corps et, s'il s'agissait d'un homme, il cherchait à le séduire puis à le tuer. Une fois que le bhoot avait vécu son temps imparti sur terre, même en churail, il quittait et rentrait dans le courant de la réincarnation. La croyance indienne en une vie éternelle impliquant la transmigration des âmes affirmait que l'âme du défunt était jugée en fonction de ses actes alors qu'elle était dans le corps et qu'elle se déplaçait vers le haut ou vers le bas d'une hiérarchie spirituelle dans la prochaine incarnation. Il semblerait, cependant, que toutes les âmes ne bougeaient pas, car il y a des histoires impliquant des régions hantées, des maisons et même des villes où les fantômes étaient présents depuis des siècles.
Le plus célèbre de ces sites est le fort de Bangarh dans le Rajasthan qui est une ville abandonnée que l'on pense habitée par des fantômes. La ville fut construite sous l'Empire moghol en 1573 EC et, comme le dit la légende, elle fut prospère jusqu'à ce qu'elle soit maudite par un ermite reclus qui vivait à proximité. Dans une version de l'histoire, cet ermite était un homme sage qui avait donné sa bénédiction à la construction de la ville à condition qu'aucune des maisons ne s'éleverait assez haut pour jeter une ombre sur sa maison à flanc de colline et ainsi bloquer son soleil. Les premiers bâtisseurs de la ville respectèrent sa demande mais, plus tard, elle fut oubliée et des ajouts furent apportés au palais qui jeta son ombre sur la maison de l'ermite. Il maudit la ville et ses habitants pour leur manque de considération et, en une seule nuit, toutes les étages supérieurs des bâtiments furent détruits et les personnes qui survécurent désertèrent le fort de Bangarh et construisirent la nouvelle ville de Bangarh à proximité.
Ruines du fort de Bhangarh, Rajasthan
L'autre version de l'histoire implique la belle princesse Ratnavi et le maléfique sorcier Baba Balnath. Le magicien était amoureux de la princesse mais savait qu'elle ne l'aimerait jamais en retour. Il concocta une potion d'amour qui attirerait la princesse à lui et la camoufla en parfum, qu'il lui présenta un jour sur le marché. Ratnavi, soupçonneuse du fait que la bouteille puisse contenir autre chose que du parfum, le versa sur un rocher voisin qui, à cause des pouvoirs magiques de la potion, fut inexorablement attiré vers le sorcier et l'écrasa. Agonisant, Baba Balnath maudit Ratnavi et toute la ville et jura que personne ne devrait jamais vivre dans ses murs. Comme dans l'autre version de l'histoire, la ville fut abandonnée en une seule nuit après une catastrophe et, fidèle à sa malédiction, elle n'a plus jamais été habitée par les vivants. Les morts, cependant, sont soupçonnés de résider encore au fort de Bangarh et il y a aujourd'hui des témoignages de personnes qui disent avoir entendu des voix spectrales, des rires désincarnés près du vieux bassin, des pas, qui disent aussi avoir vu des lumières se déplaçant dans la ville et ont même vu l'esprit de la princesse Ratnavi en personne.
Fantômes mésoaméricains
Dans le système de croyance maya, les fantômes persistants comme ceux qui habitent Bangarh étaient intolérables et devaient être gardés à distance par des charmes et des amulettes ou repoussés vers les paliers par l'intercession d'un gardien (chaman). L'idée maya de l'au-delà était semblable à la vision mésopotamienne selon laquelle le monde souterrain était un endroit sombre et terrible, mais les Mayas poussaient cette vision encore plus loin : dans le monde souterrain maya (connu sous le nom de Xibalba ou Metnal), il y avait de nombreux Seigneurs des morts qui pouvaient tromper l'âme du défunt alors qu'elle cherchait son chemin vers le paradis. Une fois que l'âme descendait dans ce monde souterrain, elle était sur une route à sens unique, sans retour en arrière. On ne s'attendait pas à ce que les fantômes, comme dans les autres cultures mentionnées, reviennent dans le royaume terrestre. L'esprit quittait le corps et était conduit à travers une grande étendue d'eau par un chien spirituel qui aidait l'âme à naviguer les différents voyages et pièges des Seigneurs de Xibalba afin d'atteindre l'Arbre de Vie que l'âme devait ensuite grimper pour monter au paradis.
COMME LES MAYAS, LES AZTÈQUES ESTIMAIENT QUE L'AU-DELÀ ÉTAIT UN LIEU SOMBRE DE NON-RETOUR.
Les esprits qui revenaient, par conséquent, étaient considérés comme non naturels à moins que, comme dans d'autres cultures, ils n'apparaissent dans des rêves et soient reconnaissables comme des amis ou des membres de la famille (même si cela n'était pas toujours le cas). Les Mayas préféraient croire que les morts qui n'étaient pas au repos éternel pouvaient revenir sous la forme de plantes qui étaient soit bénéfiques soit devaient être évitées. Le meilleur exemple de cette croyance est la légende du Xtabay qui raconte l'histoire de deux belles femmes, Xkeban et Utz-Colel. Xkeban était maltraitée par les gens respectables de la ville parce qu'elle avait eu des relations sexuelles avec un homme hors mariage, mais elle était aimée par les classes inférieures à cause de sa bonté de cœur et de sa gentillesse envers tous. Utz-Colel était très appréciée par les classes supérieures parce qu'elle venait d'une bonne famille et observait toute l'étiquette sociale, mais elle était dure et cruelle et ne s'occupait que d'elle-même.
Un jour, un parfum étrange et enivrant remplit le village et, lorsque les pauvres le suivaient jusqu'à sa source, ils arrivèrent dans la cabane de Xkeban et la trouvèrent morte de cause inconnue à l'intérieur. Le délicieux parfum émanait de son corps. Ils l'enterrèrent et, le lendemain,trouvèrent de belles fleurs sauvages qui poussaient sur toute sa tombe et qui émanaient le même parfum qu'ils avaient senti la veille. Peu de temps après cela, Utz-Colel mourut mais, de son corps émana une odeur terrible. Les gens respectables du village l'enterrèrent avec une grande cérémonie en tant que femme bonne et noble et plantèrent beaucoup de fleurs mais, le lendemain, les fleurs étaient tombées et avaient fané. De sa tombe, poussa la fleur connue sous le nom de Tzacam qui n'a pas d'odeur tandis que, de la tombe de Xkeban, poussa la fleur Xtabentun qui sent très bon, et les âmes des deux femmes furent infusées dans leurs fleurs respectives.
Quand Utz-Colel découvrit qu'elle était une fleur épineuse sans parfum, elle fut jalouse de Xkeban et crut que le péché d'amour physique de Xkeban lui avait apporté cette prospérité. Elle se liga avec les esprits obscurs de Xibalba pour revenir à la vie afin qu'elle puisse maintenant avoir des relations sexuelles avec qui elle voulait et être aussi bénie que Xkeban. Utz-Colel n'avait pas compris, cependant, que l'acte de Xkeban avait été motivé par l'amour tandis que le sien était motivé par l'ambition. Elle retourna sur terre sous la forme de Xtabay, la fleur qui pousse à partir du cactus Tzacam mais prend parfois une forme humaine et attend les voyageurs à la croisée des chemins. Si un homme fait attention à elle, elle le séduit puis le tue tandis que, si le voyageur est une femme, elle la punit en mettant à mal sa sérénité.
Crâne Turquoise Tezcatlipoca
Les Aztèques croyaient en une entité similaire, qui était en fait plus proche des churail d'Inde. L'esprit aztèque était connu sous le nom de Cihuateteo et était le fantôme d'une femme qui était morte en couches. Ces esprits hantaient aussi les carrefours, mais ignoraient les voyageurs masculins; ils attendaient les femmes avec enfants, puis frappaient ces femmes et volaient leurs enfants. On pensait également qu'ils pouvaient se glisser dans des maisons la nuit pour enlever les enfants. Des amulettes et des charmes étaient accrochés sur les portes et les fenêtres pour éloigner le cihuateteo. Dans le système de croyance aztèque, les fantômes étaient également des invités indésirables qui n'apportaient que des mauvaises nouvelles ou servaient de signes de mauvaise augure. Comme les Mayas, les Aztèques soutenaient que l'au-delà était un lieu sombre de non-retour et donc, quand un esprit revenait, c'était une indication claire que quelque chose avait mal tourné ou allait bientôt le faire.
Mictlantecuhtli, Dieu de la mort
Comme pour la tribu Tarascan, les Aztèques croyaient que les chiens pouvaient non seulement voir les fantômes mais aussi protéger contre eux, et les deux groupes enterraient leurs morts avec des chiens qui étaient censés servir l'âme dans l'au-delà à la fois comme guide à travers l'au-delà et comme protecteur contre les fantômes. Les Tarascans étaient profondément troublés par la peur des fantômes et développèrent ainsi le concept de chien spirituel. Ils pensaient que les fantômes étaient les esprits de ceux qui avaient été incorrectement enterrés, qui étaient morts seuls lors d'une chasse et n'avaient jamais été retrouvés, ou qui s'étaient noyés. Ces esprits retournaient hanter les vivants jusqu'à ce que leurs corps soient retrouvés et correctement enterrés avec des cérémonies. Le problème, bien sûr, est que les corps n'avaient pas pu être retrouvés. Dans ce cas, les Tarascans soutenaient qu'un chien spirituel trouverait le corps et emmènerait l'âme dans l'au-delà afin de ne pas déranger les vivants.
Les morts étaient célébrés dans les cultures mésoaméricaines au lieu d'être pleurés, ce qui donna lieu à l'événement connu aujourd'hui sous le nom de « Jour des morts » (El Dia de los Muertos). La communauté se réunit en ce jour pour se souvenir de ceux qui sont passés de l'autre côté et pour célébrer leur vie. A l'origine, les Aztèques honoraient la déesse de l'au-delà, Mictecacihuatl, au cours de ce festival, puis honoraient les âmes des enfants morts, puis des adultes qui étaient passés de l'autre côté. La fête avait lieu pendant la récolte du maïs (fin juillet à août), mais après la conquête espagnole, elle fut déplacée en novembre pour coïncider avec la Toussaint de l'église catholique.
Fantômes celtiques
Ce changement de saison du Jour des Morts en Mésoamérique fut dû à la politique de « christianisation » des fêtes païennes qui existaient auparavant. Une célébration similaire observée dans le nord de l'Europe en Irlande, en Écosse et au pays de Galles est connue sous le nom de Samhain (prononcé sou-wen ou sow-wen). Les païens de ces régions voyaient la vie comme cyclique, pas linéaire, et l'année tournait comme une roue. Samhain était la fin d'un cycle et le début du suivant et on pensait que, à cette époque, le voile entre les vivants et les morts s'amenuisait et que les morts pouvaient marcher à nouveau dans la vie. Cela avait lieu fin octobre/début novembre et était traditionnellement considéré comme commençant au coucher du soleil le 31 octobre et se terminant le 2 novembre (bien que certains aient observé la célébration pendant une semaine avant le 31 octobre jusqu'à une semaine plus tard). Bien que de nombreuses sources modernes sur Internet et certaines émissions télévisées populaires des États-Unis affirment que Samhain était le dieu celtique des morts et que les gens lui offraient des sacrifices le 31 octobre, ce n'est pas le cas. Il n'y a jamais eu de dieu celtique des morts connu sous le nom de Sam Hain. « Samhain » signifie simplement « fin d'été » en langue celtique.
PENDANT LE SAMHAIN, LES BOVINS ÉTAIENT ABATTUS, ET LES OS ÉTAIENT BRÛLÉS DANS DES « FEUX D'OS » (BONE FIRES), AUJOURD'HUI CONNUS SOUS LE NOM DE FEUX DE JOIE (BONFIRE).
On pensait que les morts marchaient librement à travers le monde pendant cette période et les gens préparaient des repas que leurs amis et parents défunts avaient apprécié pendant leur vie. Samhain était une célébration importante, la récolte était rentrée, le bétail était abattu et salé pour l'hiver, et les os étaient brûlés, pratique qui a donné lieu aux feux d'os (bone fires), qui sont aujourd'hui connus sous le nom de feux de joie (bonfire). Le côté plus sombre de Samhain, cependant, était que les morts qui étaient agités (tels que les fantômes affamés de Chine) étaient également libres d'errer, et donc les gens commencèrent à porter des masques pour ne pas être reconnus par un esprit qui pourrait leur souhaiter du mal. Cette coutume a finalement évolué vers la célébration moderne d'Halloween. L'Empire romain avait conquis une grande partie de la région des Celtes au Ier siècle EC et, lorsque le christianisme devint la religion officielle de l'Empire au IVe siècle EC, l'église incorpora de nombreuses fêtes païennes dans leur calendrier. Comme Samhain était un festival extrêmement populaire, il fut introduit dans l'église comme fête des martyrs, qui devint la journée de la Toussaint où les croyants priaient pour les âmes des morts au purgatoire. Comme pour Samhain en Europe, il en fut de même avec le Jour des Morts au Mexique ; les fêtes païennes devinrent des jours de célébrations chrétiennes.
Conclusion
Bien que la croyance selon laquelle les morts pouvaient retourner sur terre le Jour des Âmes persistait, elle changea à mesure que la vision chrétienne de l'au-delà devenait de plus en plus populaire et que les fantômes étaient de plus en plus liés aux démons et au diable. Les fantômes sont mentionnés dans la Bible dans des passages tels que Matthieu 14:25 -27, Marc 6:48 -50 et Luc 24:37:39. Parmi les passages les plus célèbres concernant un fantôme figure celui de I Samuel 28 : 7-20 dans lequel le roi Saül se rendit chez la sorcière d'Endor et lui demanda d'invoquer le fantôme de Samuel, son ancien conseiller et prophète de Dieu. Saul fut ensuite privé de la faveur de Dieu pour avoir choisi de consulter un esprit sur ce qu'il devait faire au lieu de faire confiance à Dieu pour son avenir. Les fantômes, et surtout les esprits, apparurent sous un jour négatif alors que le christianisme gagna plus d'adhérents. Le passage de Marc 6 fut également interprété comme une représentation négative des fantômes en ce sens que les disciples pensèrent que Jésus était un fantôme lorsqu'ils le virent marcher sur l'eau. Les fantômes ne pouvaient pas marcher sur l'eau, seuls les dieux et ceux qui étaient divins, et donc quand les disciples confondirent Jésus pour un fantôme, on pense qu'ils montrèrent la dureté de leur cœur en recevant le message de salut de Jésus. L'expert Jason Robert Combs a noté comment l'écrivain auteur de Marc savait que son auditoire reconnaîtrait le symbolisme du fantôme. Il écrit :
Les dieux et les hommes divins marchent sur l'eau; les fantômes ne le font pas. Mais quand les disciples voient Jésus marcher sur l'eau, ils croient à l'impossible plutôt qu'à l'évident. L'insertion de Marc de cette absurdité, « parce qu'ils l'ont vu marcher sur la mer, ils pensaient qu'il était un fantôme » (6:49), souligne de façon dramatique l'interprétation erronée des disciples du rôle de messie de Jésus (358).
L'auteur de Marc fait continuellement remarquer que les disciples n'ont pas su comprendre qui était Jésus et quelle était sa mission. Son utilisation du fantôme au début de son livre aurait clairement fait valoir ce point à un auditoire ancien qui aurait reconnu qu'un fantôme ne peut pas marcher sur l'eau et que, plus loin, l'eau était souvent utilisée pour éloigner les fantômes. Le livre biblique de I Jean 4:1 stipule qu'il faut tester tous les esprits pour voir s'ils viennent de Dieu et ne pas croire que chaque esprit est ce qu'il semble être. Ce passage, associé à la croyance exprimée dans le passage de Marc et I Samuel et d'autres, encourageait une vision encore plus négative des fantômes que les gens ne l'avaient eu auparavant. Bien que les fantômes aient toujours été considérés comme indésirables et contre nature, ils étaient maintenant liés au démoniaque et étaient considérés comme des agents du diable. Les gens étaient encouragés à rejeter la réalité des fantômes puisque, à la mort, l'âme de la personne allait au ciel, en enfer ou au purgatoire et ne revenait pas sur terre. Si l'on voyait un fantôme, alors, on devait supposer que c'était une astuce du diable pour piéger une âme pour l'enfer en la faisant douter de l'ordre divin de Dieu. Cette attitude envers les fantômes est exploitée à des fins dramatiques dans le Hamlet de Shakespeare, lorsque le prince Hamlet doute que le fantôme qu'il a vu est en fait son père revenu d'entre les morts et dit : « Le fantôme que j'ai vu/ Aurait bien pu être le diable ; car le diable a le pouvoir/ De revêtir une forme séduisante ; oui! et peut-être,/ Abusant de ma faiblesse et de ma mélancolie,/ Grâce au pouvoir qu'il a sur de tels esprits ,/ M'abuse-t-il pour me damner.» (II.ii.610-615). Cette vision des fantômes modifiait complètement la vieille compréhension que les fantômes étaient les âmes de ceux qui étaient morts et, comme ils venaient du diable, cette croyance était découragée.
Au fil du temps, une confiance croissante dans une façon laïque et plus « scientifique » de voir le monde compléta le travail commencé par l'église et relégua les fantômes au royaume de la superstition et de la fiction. À en juger par le nombre de sites internet et de livres consacrés à ce sujet, il y en a beaucoup dans les temps modernes qui s'intéressent au sujet des fantômes mais, en général, cette croyance n'est pas culturellement encouragée ; précisément la situation inverse de la façon dont les fantômes étaient vus dans le monde antique. Le journaliste John Keel, qui a enquêté sur de nombreux événements dits paranormaux et est surtout connu pour son livre The Mothman Prophecies, a écrit qu'il n'y a pas de « paranormal » ou de « surnaturel ». Après avoir cité un certain nombre d'événements étranges que les gens avaient vécu tout au long de l'histoire, Keel a observé que ce que les gens appellent aujourd'hui des événements « paranormaux » ou « surnaturels » sont en fait des aspects normaux et naturels de la vie sur terre. Le monde des esprits, des fantômes et des âmes apparaissant depuis l'au-delà, selon Keel, peut être autant une réalité aujourd'hui qu'il l'était pour les peuples du monde antique; la raison pour laquelle les gens n'acceptent plus les fantômes comme une partie de la vie est simplement parce qu'un monde qui fonctionne de cette façon n'est plus reconnu comme valide. Un nouveau paradigme de la façon dont le monde fonctionnait se développa avec le christianisme, puis l'acceptation d'une vision laïque de l'univers, et les fantômes s'éloignèrent encore plus du royaume des vivants jusqu'à ce qu'ils perdent enfin leur puissance réelle et deviennent la base des contes et des légendes.
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Traducteur
Babeth Étiève-Cartwright
Babeth a enseigné l’anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l’anglais et l’italien et a 25 ans d’expérience dans le domaine de l’éducation. Elle aime voyager et découvrir la langue, l’histoire et le patrimoine culturel des différents pays qu'elle visite.
Auteur
Joshua J. Mark
Écrivain indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.
https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-13359/fantomes-du-monde-antique/